Antoine Gallon, la cinquantaine, a une trentaine d’années d’implication à des degrés divers, dans le monde des salons. Il bâtit aujourd’hui son rêve, celui d’allier sa passion de la chasse depuis toujours avec sa grande expérience d’organisateur de salons. Il est ainsi le créateur du salon Saison de Chasse à Lille Grand Palais. Il revient sur son riche parcours.
Eric Watiez – Gazette des Salons : Bonjour Antoine, vous êtes le prototype des spécialistes de l’organisation de salons. En 30 ans d’activité, vous avez rebondi à de multiples reprises. Comment résumez-vous votre carrière ?
Antoine Gallon : Bonjour Eric, je scinde mon parcours en trois parties. La première dure une douzaine d’années, je suis organisateur de salons chez 3 leaders de la profession successivement : Comexpo, Blenheim et Exposium.
Je m’oriente ensuite vers le développement et la gestion de sites d’accueil événementiels comme le Carrousel du Louvre et le théâtre de l’Empire, pour enfin revenir aux salons avec GL Events et le projet qui me tient à cœur aujourd’hui, le salon Saison de Chasse dans ma propre structure Aristée.
EW. Commençons par vos débuts… Comment pénètre-t-on dans le monde des salons quand on a 24 ans dans les années 80 ?
AG. Pour ma part, c’est tout à fait par hasard, je réponds à une annonce dont la description de poste correspond à mon goût combiné du spectacle et de l’événement. J’entre au Comité des Expositions de Paris (futur Comexpo puis Comexposium) pour 5 années. J’y ai de multiples satisfactions : concevoir, produire, ouvrir et fermer des manifestations… Tout cela est très réjouissant et formateur.
Dès le début on me confie de vraies responsabilités avec une prise en mains autonome des destinées de salons, projets que je mène de A à Z et les résultats de mon travail en amont sont visibles lorsque le salon ouvre. Ca me plaît !
EW. Quels salons organisez-vous ?
AG. Je commence à la Foire de Paris, les salons des vins, des artisans d’art, du jardin, de la piscine, puis des salons professionnels dans le domaine du jardin, le Sisel Sport qui n’existe plus aujourd’hui… Je ressens d’ailleurs un intérêt plus marqué pour les salons professionnels, l’approche marketing me semble plus affinée, autant pour la recherche des exposants que le ciblage des visiteurs.
Puis les organigrammes bougent, on me confie des équipes, je me bonifie en management.
EW. Au bout de 5 années d’apprentissage, vous décidez de quitter ce leader de l’époque, comment cela se passe-t-il ?
AG. J’ai l’envie de m’investir plus globalement dans le management d’une structure. En 1990, je rencontre Sylvain Eloit qui a créé ses propres salons dans le domaine du recrutement informatique. Il s’agit de Prosearch. J’apporte ma compétence d’organisateur, nous sommes complémentaires. Nous tentons quelques développements parallèles, ce qui fonctionne à merveille jusqu’à ce que le marché s’inverse. A un moment où les entreprises ne peinent plus à trouver des candidats spécialisés devenus nombreux sur le marché, elles deviennent moins incitées à venir les trouver sur les salons. La conjoncture, en ce début des années 90, se retourne donc très vite et la société est vendue. Je me repositionne.
Le salon Europlast cherche le successeur de son commissaire général lorsque la fédération propriétaire du salon le vend à Blenheim.
C’est une époque où les actionnariats évoluent énormément dans le domaine des salons, les structures sont changeantes, les marchés bougent à grande vitesse.
Au bout de 2 ans, Patrick Lecêtre, patron de Blenheim, revend le salon à Miller Freeman, puis Reed, avec Frédéric Theux. Dans cette fusion, le nombre des salariés de Blenheim est réduit de 240 à 160 personnes dans la nouvelle structure.
EW. Voici 2 expériences où vous subissez les restructurations particulièrement marquées dans les années 90. Rebondissez-vous vite ?
AG. Oui, je complète mon tour des grands opérateurs de salons de l’époque en entrant chez Exposium où je prends en charge le salon de la jeune entreprise, sur le marché de la reprise de sociétés, et un autre salon en déclin, Interfinances, sur les technologies informatiques dans le domaine bancaire. Ces projets, compliqués et mal positionnés, ne m’enthousiasment pas.
J’entre alors dans la deuxième partie de ma carrière en prenant la direction commerciale du Carrousel du Louvre de 1997 à 2001.
EW. Changement de cap après cette expérience mitigée donc, cette nouvelle étape vous procure-t-elle plus de plaisir ?
AG. C’est une expérience extraordinaire. Le site appartient alors à Vivendi, mon patron est Jean-François Dubos, qui deviendra plus tard président du directoire du groupe. C’est une personnalité du monde économique de très haut niveau. Nous accueillons des manifestations de prestige, c’est passionnant.
Mon expérience d’organisateur me confère une pertinence réelle dans ce nouveau métier, la perception des projets, l’appréhension de leur faisabilité, la valeur des apporteurs de projets qui sont souvent des indépendants. Une centaine de manifestations par an trouvent leur place au Carrousel du Louvre, ce sont, outre des salons, des assemblées générales de grands groupes, des lancements de produits ou des conventions internes.
Unibail rachète le site en 1999, dans le cadre de son offensive parisienne généralisée.
EW. Quels changements cette acquisition apporte-t-elle dans votre fonctionnement ?
Pendant 2 ans, le développement du site continue selon le rythme précédent. Puis Unibail décide de mutualiser les services de tous les sites de Paris Expo, en tout cas au niveau commercial, le Carrousel du Louvre, le CNIT, l’Espace Champerret, la Porte de Versailles…
Je m’entends alors parfaitement avec Colette Halard qui a pris la direction du site avec l’arrivée d’Unibail, pour autant je ne souhaite pas suivre le mouvement que le groupe met en place.
De plus, la petite équipe d’une vingtaine de personnes que nous étions doit s’intégrer à un ensemble éminemment plus important. Ca ne me convient plus et, pendant 1 an, j’essaye de monter ma propre structure événementielle. Mais au moment où la communication événementielle devient l’apanage de groupes événementiels comme Publicis, Events…, pour moi qui suis indépendant, ça ne fonctionne pas autant que je l’aurais souhaité. Je constate que, finalement, ma vie professionnelle évolue réellement au rythme de mes choix et de mes rencontres bien sûr.
EW. Avant d’aller plus loin dans votre parcours, vous avez accumulé les expériences dans diverses sociétés mais toujours dans la même sphère des salons. Cela répond-il à une loi de marché ou bien à une envie de votre part ?
AG. Nous sommes dans un métier qui s’est beaucoup restructuré. Que ce serait-il passé si j’étais resté comme certains, avec des avenirs divers, au Comité des Expositions de Paris ?
J’ai préféré assez tôt faire des choix, continuer à vivre l’aventure des salons ailleurs et les contextes de marché m’ont donné à appréhender d’autres salons, d’autres fonctionnements. Je surfe alors avec les contextes économiques, certains salons qui marchent plus ou moins bien, les groupes qui fusionnent…
EW. Vous quittez Unibail et le Carrousel du Louvre, quels choix faites-vous ?
AG. Je rejoins alors, en tant que directeur du site, le théâtre de l’Empire, avenue de Wagram à Paris, géré par le groupe Saint Clair, traiteur. Lorsque j’arrive, il y a tout à faire et je transforme le lieu en site événementiel qui prend une vraie ampleur en 2 ans. Nous avons alors un développement extraordinaire, nous sommes cités en exemple au sein du groupe. Nous organisons des conventions internes, des assemblées générales, des lancements de produits, environ 80 manifestations par an. L’endroit est magique, c’est un ancien théâtre, excellemment placé, pertinent pour l’événementiel…
jusqu’au jour où le théâtre de l’Empire explose. L’avenue de Wagram est dévastée, c’est la fin du site. Saint Clair me propose alors de devenir directeur du développement traiteur, fonction que j’assume pendant 1 an. Mais l’hôtellerie ni la restauration ne sont mon métier. Je souhaite revenir alors dans l’organisation de salons, retrouver une dimension marketing plus puissante que la gestion de sites.
EW. Arrive-t-on à cette fameuse 3ème étape de votre parcours ?
AG. Tout à fait ! Je rejoins la société Emap, groupe anglais qui a une filiale française. C’est un petit organisateur de salons en France avec 2 salons en portefeuille, Printor, un salon de bijouterie et Trade Expo, salon des importateurs. Emap vient de racheter un petit organisateur familial basé dans le Lot-et-Garonne avec le CFIA à Rennes et MDD Expo à Paris. J’en prends la direction pendant 2 années très sympathiques.
Le Monopoly continue, nous sommes alors rachetés par GL Events en 2007. Je reviens à Paris comme directeur commercial du salon du Prêt-à-Porter dont GL vient de prendre des parts. Pour l’histoire, le salon a ensuite été vendu à Comexposium (Who’s Next).
EW. Effectivement, il faut suivre le mouvement des rachats et des fusions dans le domaine des salons… Poursuivez-vous votre aventure avec GL Events ou vous repositionnez-vous à nouveau ?
AG. Oui, je suis directeur commercial du PAP pendant 2 ans, et puis les activités d’organisation de salons de GL Events commencent à diminuer à Paris. Aujourd’hui il reste 2 salons seulement gérés depuis Paris, celui du Commerce en volume et un autre sur l’électronique, les autres ont été vendus où sont organisés depuis la province. Mon poste est supprimé.
Je constate que les nouveaux salons sont peu créés par les grands groupes. En général, ces derniers les rachètent et les développent lorsqu’ils ont déjà une certaine valeur ou aura, principalement pour prendre la place par rapport aux autres opérateurs.
J’ai la cinquantaine, je réfléchis alors à la meilleure façon d’allier ce que j’aime et ce que je sais faire. Je sais organiser des salons et j’ai une passion pour la chasse. Il se dégage une évidence pour moi d’organiser un salon sur la chasse.
EW. C’est alors que vous créez votre entreprise ?
AG. Je créé effectivement ma société Aristée pour organiser le salon Saison de Chasse. Je sais, par expérience, que ce qui fonctionne dans les salons grand public sont les salons de passion, la chasse en est un exemple. J’étudie le marché et constate que la distribution décline, il doit y avoir 3.000 armuriers en France dont 2/3 sont proches de la retraite. En revanche, les fêtes de la chasse plaisent énormément, elles permettent de conserver un lien dans les intersaisons.
La région Nord-Pas-de-Calais, première région de France en nombre de chasseurs et la Belgique avec 23.000 chasseurs font que je décide d’organiser le salon à Lille. Après 3 mois d’études de marché, je décide la création du salon en 2013 et le premier salon a lieu au printemps 2014 avec 110 exposants et 5.800 visiteurs.
EW. Quelles sont les perspectives de Saison de Chasse et comment comptez-vous positionner Aristée ?
AG. Après deux éditions, le produit étant encore jeune, je m’interroge sur sa localisation. Lille Grand-Palais est techniquement parfait. Aussi fonctionnel soit-il, il est situé un peu trop au nord de l’épicentre idéal. Nous aurions peut-être avantage à nous rapprocher de la Picardie, trouver également un lieu qui nous permette la réalisation d’animations en extérieur, ball-trap, expositions de chiens… un hippodrome ou un aérodrome par exemple.
Mon activité en appelle d’autres. Dans le domaine des salons de chasse, de nombreuses initiatives sont prises pour organiser des salons dans différentes régions de France. Saison de Chasse est positionné dans une zone de chalandise excellente. C’est une bonne idée de décliner les salons géographiquement, mais il y aurait intérêt à mutualiser les efforts pour le bénéfice de chacun.
Par ailleurs, la chasse peut amener d’autres types d’activités hors salons, dans l’édition, dans l’Internet… J’en suis pleinement au stade de la réflexion individuelle et aussi collective avec de possibles partenaires. Tout cela va faire route doucement.
A 5 ans, tout reste à construire !
EW. Merci Antoine Gallon, dans ce monde de restructurations, de regroupements, d’achats… il est réjouissant de voir que des personnes telles que vous finissent par se montrer aptes à exprimer leurs passions de façon tout à fait professionnelle. Rendez-vous dans 5 ans…
Propos recueillis par Eric Watiez