Caroline Trunet, 40 ans, a passé quasiment toute sa carrière professionnelle dans l’organisation de congrès, principalement médicaux, au sein du groupe Europa Organisation. Depuis un an, elle vole de ses propres ailes et propose son accompagnement et ses conseils aux organisateurs et PCO. Caroline Trunet a un véritable enthousiasme communicant pour son métier, ce qu’elle nous fait partager ici.
Eric Watiez : Bonjour Caroline, vous avez un parcours essentiellement axé sur l’organisation de congrès, comment entre-t-on dans ce monde à part ?
Caroline Trunet : Pour moi, cela se fait par le plus grand des hasards, après avoir étudié un peu de droit et intégré une école de commerce, je commence à faire de l’organisation d’événements côté client, à la Fondation de la Mutualité Française. Cette Fondation de l’Avenir subventionne des programmes de recherche en médecine appliquée. J’ai 24 ans, j’y effectue mon stage de fin d’étude en tant que chargée de communication. Dans le cadre de mes missions, j’organise deux jours de congrès. A cette époque, je suis évidemment totalement inexpérimentée dans le domaine. Je suis heureusement entourée et j’assure la supervision de l’ensemble. Ce stage se transforme ensuite en réalité professionnelle.
EW. Cette expérience constitue-t-elle l’élément fondateur de votre carrière ? Qu’y avez-vous appris d’essentiel ?
CT. Oui c’est certain, cela me met en tout cas le pied à l’étrier. Ce qui m’enthousiasme alors est de voir la manifestation se construire en amont et « sortir de terre ».
Je vois comment on construit un programme scientifique, comment on décide d’inviter tel ou tel médecin ou industriel, pour parler de tel ou tel sujet à tel ou tel auditoire pour qu’il y ait échanges et discussions possibles, comment on planifie une journée, comment on la découpe, comment on fait en sorte d’attirer du monde le matin et qu’il y en ait encore après le déjeuner, etc.
Je découvre parallèlement des univers indispensables comme les agences de communication par exemple, qui n’intègrent cependant pas l’aspect pratique des affaires. Elles envisagent l’habillage, la scénographie, l’image et la communication. J’apporte une complémentarité où le concret, l’organisation, la logistique, la sécurité, le respect de la réglementation, la sécurité, la gestion des flux… trouvent une place redoutablement essentielle.
EW. Après cette découverte du métier d’organisatrice de congrès, quelle est votre évolution ?
CT. 3 ans après, suite à un changement de président et une réorganisation du service communication de Fondation Avenir, le hasard de mes rencontres professionnelles m’amène à travailler dans un PCO, Professional Congress Organizer, Europa Organisation, basé à Toulouse mais je suis moi-même au bureau parisien. Europa est spécialisée dans l’organisation de congrès de type médical principalement (ophtalmologie, pédiatrie, microbiologie, etc.).
C’est une structure de 70 personnes en 2004, elle a aujourd’hui 150 collaborateurs. Elle s’est construite en 1987 sur l’organisation d’un congrès, PCR, congrès de cardiologie interventionnelle. Ses clients premiers sont des sociétés savantes, associations regroupant des médecins d’une même discipline, comme la société française de pédiatrie, la société européenne de cardiologie, la société internationale d’ophtalmologie, etc. Des sociétés annexes, paramédicales, des labos, viennent alors se greffer sur les événements et profitent des congrès pour se former, échanger, se mettre au point sur les dernières techniques de leur discipline…
EW. Quelles sont les compétences déterminantes pour que vous rejoigniez Europa Organisation ?
CT. Je découvre autre chose chez Europa. Je suis assistante chef de projet et je gravis les échelons progressivement pour devenir chef de projet en 2010. Etonnamment, je suis recruté sur un point particulier qui est ma connaissance de la chaîne graphique. Je connais alors les différentes étapes pour gérer de l’imprimerie, de la création à l’édition. Je sais discuter avec les différents corps de métier sur ce sujet. J’apprends le reste au fur et à mesure, car c’est évidemment un domaine très évolutif.
L’organisation de congrès est un métier de bon sens, qui nécessite une bonne gestion du stress, j’apprends les techniques audiovisuelles, la commercialisation des espaces attenants au congrès en lui-même…
Je suis convaincue que, dans ce type de métier, il faut démarrer en bas de l’échelle et appréhender sur le tas toutes les articulations, c’est un métier très polyvalent et multidisciplinaire.
EW. Quelles disciplines essentielles faut-il donc maîtriser ?
CT. Le commercial en premier lieu, un congrès est un regroupement d’un séminaire et d’un salon dans une même unité de temps et de lieu. Nous commercialisons des espaces, de l’exposition, des stands.
Il faut ensuite être créatif, aussi bien d’un point de vue visuel qu’en terme de contenu ou d’espace, tout en étant pragmatique pour tenir compte des multiples contraintes, des impératifs de lieu, de gestion de temps, de budget, de gestion de flux des visiteurs et de sécurité.
EW. Dans ce type de métier, l’humain est au cœur du processus. Comment l’appréhendez-vous ?
CT. La partie management est celle que je préfère, je suis très sociable et communicante, et j’apprends à gérer et à encadrer différents corps de métier. On ne travaille pas avec des installateurs comme on le fait avec une agence d’hôtesses par exemple… les traiteurs, les livreurs, les loueurs de mobilier… Cette diversité est passionnante.
Il faut également composer avec l’équipe interne et sa diversité, qui améliorent en permanence nos outils de fonctionnement : l’informatique, l’hôtellerie, la gestion des aspects scientifiques, la technique d’exposition… comme un chef d’orchestre.
EW. Et le client dans tout ça ?
CT. Il y a enfin et avant tout le client qu’il faut entendre, écouter et rassurer. Il y a de nombreux cas de figure, mais l’interlocuteur principal est souvent le président d’une fédération, professionnel en fin de carrière, qui profite de son expérience pour mettre à profit ses connaissances au bénéfice d’un congrès. Il s’appuie en général sur un conseil d’administration, un bureau et un comité scientifique qui travaillent sur le contenu du congrès. Je viens alors en accompagnement, parfois en conseil, en revenant en permanence sur les problématiques logistiques et pratiques. Nous côtoyons des gens passionnés qu’il faut parfois canaliser, à l’appui de nos expériences passées.
EW. Quels types de congrès organisez-vous chez Europa Organisation ?
CT. J’organise alors toutes tailles de congrès jusqu’à 7 à 8.000 personnes sur plusieurs jours. J’ai aussi l’occasion de participer à des congrès encore plus importants, en renfort d’équipe lorsque la logistique le justifie, ce qui m’apprends également d’autres pratiques, d’autres fonctionnements nécessitant une grande adaptation sur d’autres lieux, avec d’autres prestataires… les traiteurs, les livreurs, les loueurs de mobilier… Cette diversité est passionnante.
Tout au long de ce parcours, j’ai la capacité de grandir avec des dossiers de plus en plus gros. Je commence par un congrès d’ophtalmologie, en renfort, qu’Europa vient de gagner.
Il y a différentes périodicités en matière de congrès, des one-shots comme certains congrès mondiaux itinérants sur appel d’offre ou des congrès annuels ou biennaux selon les statuts de la société.
Europa signe des conventions dans un esprit de confiance mutuelle permettant à chaque partie de se laisser le temps de se connaître et de mettre en place une stratégie d’évolution, voire de restructuration du congrès.
EW. En janvier 2014, vous décidez de quitter Europa Organisation après 10 ans de collaboration. Usure ? Restructuration ?
CT. Effectivement après 10 années passées chez le PCO Europa, j’analyse ma situation autant personnelle que professionnelle. J’ai peur de m’essouffler et il est sans doute temps pour moi de prendre du temps, ce que je n’ai pas réussi à faire jusqu’à présent, et de voler de mes propres ailes. Nous nous quittons en très bons termes. Je prends le temps de réfléchir, envisager d’autres évolutions, m’occuper de communication interne pourquoi pas, et je me fais rattraper par le métier. Un de mes anciens collègues chef de projet fait appel à moi en renfort sur l’un de ses dossiers.
Dans ma dénomination de chef de projet, ce qui me motive est le mot « projet », ça ne m’ennuie donc pas de me mettre à mon compte. Mon entourage m’y encourage.
EW. Quels sont aujourd’hui vos objectifs et où en êtes-vous ?
CT. Je me suis donné quelques objectifs, à savoir sortir du milieu médical, ce que je réussis partiellement, j’ai par exemple organisé un congrès pour la Mutualité du Limousin sur le sujet du handicap, plus social que médical, je travaille pour le journal la Tribune, j’ai un petit portefeuille de clients.
Je partage mon activité entre deux entités : la régie pure et la coordination car j’aime ça et je sais qu’un jour, en me développant, je ne pourrai plus le faire en direct au moins physiquement, et le conseil, l’accompagnement et la construction de manifestations.
Europa Organisation assure aujourd’hui la moitié de mon activité sur la partie régie. Je suis déjà formée à ses pratiques, j’ai donc l’avantage d’un gain de temps en formation. J’ai l’ADN d’Europa en moi, ce qui rend aisée ma collaboration avec elle, et j’ai parallèlement cette capacité d’adaptation qui me facilite le contact avec d’autres structures.
EW. Comment passe-t-on, dans votre cas, d’une situation de salariée pendant plus de 10 ans à un free-lance ?
CT. Je n’ai pas encore monté ma société, je n’ai pas non plus le statut d’auto-entrepreneur. J’ai effectivement passé toute ma vie professionnelle en tant que salariée, avec les avantages, notamment administratifs, et les inconvénients. Pour la partie administrative, je fonctionne par portage et j’en suis extrêmement satisfaite. Je reverrai la copie en fonction de ce que réservera l’avenir. Je travaille totalement différemment d’avant, pas moins en tout cas. La liberté de choix est essentielle pour moi aujourd’hui.
EW. Merci Caroline Trunet, bonne chance à vos futures organisations.
Propos recueillis par Eric Watiez pour la Gazette des Salons