Après 23 ans de fidélité à son métier d’organisateur de salons au sein du groupe Comexposium, Christel Laval est récemment devenue responsable des opérations à l’Espace Grande Arche de Paris – La Défense.
Simple étape ou continuité de parcours ? Elle nous explique son long cheminement tout en linéarité qui a conduit à ce choix.
Eric Watiez : Bonjour Christel, vous êtes tombée toute jeune dans la marmite des salons, vous y êtes toujours, comment débutez-vous ?
Christel Laval : Bonjour Eric. J’ai la fibre commerciale et le sens du contact depuis toujours. Désireuse d’études concrètes, je fais un BTS d’action commerciale en alternance. Je vis dans le 15ème arrondissement depuis plusieurs années et visite très fréquemment les salons de la Porte de Versailles.
Au moment de mes choix de stages, j’échange avec Silvana Martino, Secrétaire Générale du Comité des Expositions de Paris (CEP), alors 1er organisateur de salons en France. En 1992, elle me propose de rejoindre le CEP.
EW. Pour ceux qui, comme moi, ont travaillé avec Silvana Martino, vous aviez donc tapé à la bonne porte dès votre arrivée dans le monde du travail. Sur quoi vous missionne-t-elle ?
CL. Silvana Martino a l’idée de créer une pépinière de jeunes qu’elle contribue à former à divers métiers de l’organisation. Ce principe est aujourd’hui en place de façon étendue par Comexposium. Cela s’appelle « Rejoignez la Pépinière Comexposium ».
Pendant 2 ans, j’effectue plusieurs missions de 6 mois chacune en alternance avec mes études. Je travaille sous la tutelle de Pierre Lambert, directeur de la Foire de Paris et des salons grand public, en tant qu’assistante commerciale pour le Salon du Cheval et le Salon de l’Agriculture. Je prospecte les exposants par les moyens les plus directs : phoning, pige magazines, recrutement sur les salons concurrents, je suis très « terrain ».
EW. Cette 1ère mission est en total lien avec les études que vous menez, que vous apprend-on de plus ?
CL. Chantal Schwartz s’occupe du Marketing au CEP, je découvre avec elle les études de qualité, de satisfaction et de veille, en vue d’assurer le développement des manifestations. Nous travaillons sur le repositionnement des salons grand public qui ont lieu en automne sur le thème de la Maison. Cela aboutira à l’organisation de « Vive la Maison » qui deviendra plus tard la Foire d’Automne.
Je collabore ensuite aux services techniques de l’entreprise avec Richard Redgen, comme conducteur de travaux. Dans ce cadre, j’assure la prise en mains du cahier des charges de certains salons, collecte les besoins des clients, effectue la commande des prestations d’installation générale… Il s’agit de mettre en place des process communs afin que les conducteurs de travaux, qui ont jusqu’alors des pratiques très individuelles, puissent avoir les mêmes réflexes métiers. Cela paraît aujourd’hui aller de soi !
EW. Que vous ont apporté ces missions ? Quand intégrez-vous définitivement le CEP ?
CL. On m’appelle en renfort commercial sur la Foire de Paris. J’y aide Patrice Cannes qui s’occupe du Salon des Vins et Cécile Akoun pour les salons du Tourisme et des Loisirs.
Je travaille encore sur des missions ponctuelles en renfort commercial toujours, comme sur Automechanika avec Michel Morlat d’Equip’Auto ou le Salon International de la Lingerie avec Sophie Dudicourt.
Le recrutement des exposants que j’aime suivre et fidéliser est vraiment ma fibre, j’aime aussi créer de nouveaux secteurs dans les salons.
Au bout de ces 2 années d’apprentissage, je connais bien les rouages, les plannings, le fonctionnement interne… et on me propose de prendre en charge, en totalité cette fois-ci, la « Foire aux Collectionneurs » de la Foire de Paris. Nous sommes en 1994, c’est l’année de mon intégration complète au sein du CEP.
EW. Aviez-vous, à l’issue de vos missions en alternance, un vrai désir à demeurer dans l’organisation de salons ?
CL. Je crois qu’à 20 ans on ne veut surtout pas se projeter 20 ans plus loin. Néanmoins, peu me contrediront sur le fait que l’organisation de salons est virale. Quel que soit le sujet abordé, il y a une richesse de rencontres dans ce métier pour comprendre l’univers concerné ; c’est très stratégique et enrichissant. Une manifestation ne dure que quelques jours, mais l’important travail en amont depuis la réflexion sur les cibles jusqu’à la réalisation événementielle me passionne.
J’évolue dans le métier, j’y reste et je réponds donc, par ma fidélité, à la confiance qui m’a été octroyée.
EW. Le Comité des Expositions de Paris devient Comexpo, puis Comexposium, en lien avec Paris Expo puis Viparis, dont il se scinde depuis peu… Comment avez-vous vécu et résisté à ces modifications structurelles ?
CL. L’entreprise a muté, ce qui est sain, et ça correspond à mon état d’esprit d’être en constante évolution. D’autres moyens et d’autres objectifs me « challengent ». Je vis bien ces changements d’organisation, ils me permettent d’accéder à de nouveaux domaines d’expertise et secteurs d’activité, je m’en sens toujours grandie.
EW. On sent en vous une propension à la découverte et l’ambition d’en faire ou savoir plus, d’étendre vos compétences… une vague frustration ?
CL. Oui, je souhaite faire le tour complet d’une manifestation, savoir comment on tient un budget au-delà de la direction commerciale dans laquelle je suis jusqu’alors cantonnée… Je le fais savoir et Marie-José Post me confie la direction du Salon Créations & Savoir-Faire (le rendez-vous des femmes créatives) en 2008. Pour cela, je quitte le Salon International de l’Agriculture, très grand, très capté stratégiquement par les professions. J’ai très envie d’un salon à taille humaine et de nouvelles responsabilités où je peux maîtriser toutes les ficelles. Créations & Savoir-Faire est un salon de niche et de passionnées dont je vais m’occuper durant 7 sessions jusqu’en 2015.
EW. Ces nouvelles responsabilités s’opèrent-elles sereinement ?
CL. Pas vraiment, et il faut remonter en arrière. Créations & Savoir-Faire, précurseur, est tout de suite un succès. Des salons concurrents voient le jour, des enseignes de bricolage ou jardineries étendent leurs rayons aux loisirs créatifs, Internet permet de s’approvisionner directement… Le salon devient moins incontournable, l’équipe en place le repositionne, il change de format, prend un autre nom (Crée Attitude), son identité visuelle est renouvelée. Les visiteuses n’y reconnaissent pas leur salon historique et le repositionnement est raté.
Par ailleurs, Marie-Claire Idées, partenaire prioritaire de la manifestation, décide de créer son propre salon et les exposants ne savent plus que choisir.
C’est dans ces circonstances que j’arrive à la direction de Créations & Savoir-Faire !
EW. Comment redressez-vous la situation ?
CL. Avec mon équipe, nous renouons avec Marie-Claire Idées pour bâtir ensemble un événement phare et tendance.
Créations & Savoir-Faire retrouve son nom et son aura, mais il nous faudra 7 ans pour atteindre le niveau de succès antérieur. En 2008, atteindre 2.000 m² vendus est une prouesse, nous en sommes aujourd’hui à plus de 4.000 m² vendus avec près de 70 000 visiteurs accueillis en 2014. Parallèlement, je développe le contenu du salon au-delà du DIY, j’y intègre, dans un esprit de transmission, tout ce qui préoccupe la femme d’aujourd’hui, quel que soit son âge, ses envies d’habillement, de déco, de plaisirs… le succès est au rendez-vous !
Et les possibilités de croissance sont encore nombreuses.
EW. On vous reconnait dynamique sur les réseaux sociaux, vous devez donc avoir livré l’espace nécessaire à la communauté sur le salon, dans ce domaine où blogs et contributions communautaires fleurissent…
CL. Créations & Savoir-Faire (CSF) devient un salon très communautaire et j’y favorise naturellement les rencontres de bloggeuses. Je créé la CSF Académie. Elle consiste en des formations courtes pour apprendre à créer son blog, à mettre ses articles en ligne, à booster ses ventes sur le net, à savoir comment se protéger juridiquement… Ces rencontres permettent aux créateurs de grandir, de se professionnaliser et de se faire connaître. CSF est désormais un salon BtoC protéiforme toujours leader sur son marché.
EW. Organisez-vous d’autres salons au sein de Comexposium ?
CL. En 2007, Comexposium rachète le salon Saveurs des Plaisirs gourmands à Claro Organisation, de Marie-Christine Azoulay. On m’en confie la direction en 2008 avec une équipe d’origine bien rôdée. Cependant, mal à l’aise avec nos différences de culture organisationnelle, cette équipe ne tarde pas à partir et je me retrouve seule à la barre, seulement munie d’un dossier de participation et d’une plaquette de présentation, sans réseau dans le domaine de la gastronomie ni le vécu d’une session !
Les exposants de Saveurs sont très exigeants, habitués à être entourés par une organisation très présente et disponible. Ils me font bien sentir la différence lors de la première session.
EW. La gastronomie et le loisir créatif ont des similitudes passionnelles, on retrouve les blogs, les échanges sur le web, la multitude de salons de niche… Réagissez-vous aux difficultés de départ de la même manière ?
CL. Grâce à mon empathie et mon sens de l’écoute, aux promesses que je tiens, une relation de confiance se met en place petit à petit avec les exposants. Nous organisons jusqu’à 3 salons Saveurs par an, ce qui me donne l’avantage d’une récurrence de contacts.
Les exposants recherchent l’efficacité immédiate, au-delà de l’adhésion à une marque d’excellence, et nous devons faire face à une concurrence frontale sur les prix, les justifier.
La session de printemps posant des problèmes de rentabilité avec des frais identiques à celle du mois de décembre, mais un nombre d’exposants et de visiteurs moindres, est abandonnée.
Une 2ème édition d’hiver est créée à la Porte de Versailles pour aller plus au contact du très large public, avec démonstrations, cours de cuisine… Revers de la médaille, le « vrai » consommateur de l’Espace Champerret ne s’y déplace pas assez nombreux. J’ai alors l’idée d’intégrer cette offre de savoir-faire gastronomique au salon Créations & Savoir-Faire.
EW. Vous voilà bien occupée, et pourtant vous quittez l’organisation de salons pour passer côté site, à Espace Grande Arche. Qu’est-ce qui a motivé cette réorientation ?
CL. En 2013, après 20 ans de commercial et d’organisation, je réfléchis au sens de ma carrière professionnelle. J’aime l’organisation d’une manifestation de A à Z certes, et je constate qu’à Paris, les métiers événementiels sont très segmentés. A l’appui d’un bilan de compétences qui me remet en question, j’ai l’envie de devenir encore plus opérationnelle. Je rencontre et questionne les experts de différents métiers, entre autres Christophe Thomas, Directeur des Opérations chez Viparis. La gestion d’un site fait partie de mes envies d’évolution et je le fais savoir à Renaud Hamaide, encore Directeur Général des deux entités Viparis et Comexposium, qui m’aide à passer de l’autre côté.
EW. En quoi consiste votre nouveau métier au sein de Viparis ?
CL. Depuis juillet 2015, je suis Responsable des Opérations à Espace Grande Arche de Paris-La Défense. Avec une équipe de 2 personnes, nous accueillons les organisateurs dans leur phase de réflexion de lieu, leur expliquons la modularité du site, les aidons à se projeter et visionner leur événement dans la structure. Après la signature, le contact est repris avec le client, le brief de la manifestation est revu dans le détail et nous l’accompagnons techniquement en apportant des solutions à la mesure de ses demandes pour la réalisation de son événement.
EW. Un mot sur les spécificités d’Espace Grande Arche ?
CL. Espace Grande Arche était une extension des salles du CNIT qui sont aujourd’hui fermées en raison des travaux de la SNCF pour la création d’une nouvelle gare. De ce fait, notre Espace bénéficie d’un transfert d’activités et est promis à une occupation croissante.
Nous disposons d’une salle de 5.000 m², ce qui le compare à Paris, en mode salons, à la Grande Halle de la Villette, au Carreau du Temple, à l’Espace Champerret ou au Carrousel du Louvre. Il a la spécificité de pouvoir accueillir des événements corpo jusqu’à 4.000 personnes.
Le site a entièrement été rénové et relooké durant l’été 2015, il est très modulaire et allie standing et modernité.
EW. Cette prise de poste est toute neuve, comment cependant, en conclusion, analysez-vous cette nouvelle fonction, votre bilan et vos perspectives ?
CL. Je n’imaginais pas, en tant qu’organisateur, le volume de travail des équipes sur un site. C’est une découverte pour moi, probablement du fait de la segmentation des tâches chez les grands organisateurs du type Comexposium. Je vois pour l’instant un aspect du métier très technique et opérationnel.
Je n’ai pas encore suffisamment de recul pour une idée complète de la profession mais je suis bien là où je suis et j’ai dans un coin de tête un idéal qui consisterait à lier les métiers d’accueil et d’organisation.
Propos recueillis par Eric Watiez pour la Gazette des Salons