Gulliverre, spécialiste de l’enseigne et de l’architecture lumineuses a été créé en 1999 par Clarence Bouvant, souffleur de verre. Les nouvelles technologies, comme la LED, permettent l’innovation et les défis pour l’événementiel. Avec Gulliverre, Clarence Bouvant avance à pas de géant, il nous explique comment il en est arrivé là.
Eric Watiez : Bonjour Clarence, comment êtes-vous entré dans le domaine particulier de l’enseigne lumineuse ?
Clarence Bouvant : Bonjour Eric, mon père avait une entreprise d’enseignes lumineuses dans le quartier de la Bastille à Paris, et je côtoyais les souffleurs de verre dans ses ateliers, c’est le métier qui m’attire depuis toujours. Réaliser une pièce en verre qui s’allume est magique !
Je suis un cursus de 3 ans à l’école Dorian à Paris avec une spécialisation dans le néon. J’effectue des stages, j’apprends mon métier dans diverses sociétés dont celle de mon père, sans que l’idée me vienne de reprendre cette dernière. J’aime alors beaucoup ce métier d’atelier, je fais du soufflage de verre de façon très intensive.
EW. Avez-vous créé votre société Gulliverre à l’issue de cet apprentissage ?
CB. Pendant 5 ans je mène des missions de soufflage de verre à l’étranger, comme aux Etats-Unis où je travaille 9 mois dans de grandes usines et où j’apporte mon expertise en soufflage de verre pyrex, ainsi qu’en Guadeloupe ou à Tahiti pendant 1 an et demi, toujours pour réaliser des enseignes lumineuses, monter des ateliers et former des souffleurs locaux.
Je rentre en France fin 98 pour monter ma propre entreprise. Le métier est alors très diversifié avec beaucoup de petits ateliers, je n’ai aucun client au démarrage, j’ai une bonne expérience technique mais pas vraiment de stratégie commerciale, ni de perspectives arrêtées.
EW. Comment faites-vous alors, avec une parfaite assurance sur votre maîtrise technique mais pas d’appétence commerciale particulière, pour le faire savoir, obtenir des commandes et faire vivre votre société ?
CB. Je me lance, je verrai bien ! Je m’installe dans une petite boutique à Vanves (92) bien que mon domaine n’intéresse pas le public, je ne sais pas trop comment les clients viennent à moi, c’est le bouche à oreille, je produis, et pendant que je produis je ne peux aller à la recherche du client. Mais ça marche !
Ce qui me plaît dans ce métier est qu’on est capable de toucher à la fois à l’architecture de lumières, par exemple le soulignage entier d’un bâtiment en tubes néon, à l’enseigne lumineuse classique, à des créations très design et aussi à de multiples choses pour l’événementiel où la lumière compte énormément. Ce sont 4 éléments pour 4 marchés, pour lesquels j’ai acquis une vraie expertise.
Les clients reviennent.
EW. Qu’est-ce qui a finalement été déterminant pour vous ?
CB. 2002 est le point de départ de la trichromie en lumière, le mélange RVB des couleurs (rouge vert bleu), j’en suis et je réalise un grand mur avec cette technique dans le show-room de la maison Chénel où je suis maintenant installé. Saguez & Partners, agence conseil installée à la Manufacture du Design à St Ouen, dont le fondateur est architecte d’intérieur, vient visiter l’expo et me met le pied à l’étrier. J’obtiens des contrats avec de grosses enseignes, le siège de Peugeot, avenue de la Grande Armée, par exemple pour lequel je réalise un fil bleu de 110m de long, entre autres défis.
Je réalise un grand mur lumineux de 8m de long dans le show-room de Peugeot sur les Champs-Elysées, chaque tube étant relié à une table de mixage, ce qui donne une pérennité réelle à la réalisation, évolutive en fonction des présentations. Nous sommes évidemment bien loin de la simple enseigne lumineuse d’antan.
Je me fais vraiment connaître avec ces réalisations.
EW. L’arrivée de la LED change-t-elle aujourd’hui le marché, l’expertise, la production ?
CB. Auparavant, sur ce marché, nous étions beaucoup plus nombreux qu’aujourd’hui à réaliser de l’enseigne lumineuse ou du soufflage de tubes. Beaucoup se cantonnent dans l’enseigne traditionnelle, au contraire de moi. Chaque projet initié par un designer ou un commanditaire peut s’avérer être un challenge auquel je dois réfléchir pour trouver les solutions de faisabilité. C’est avec ces gens que j’avance et bien entendu, les nouvelles techniques comme la LED, arrivé dans les années 2005-2006, qui apportent en précision et miniaturisation, favorisent cette évolution.
Mes belles réalisations participent donc à ma notoriété, et nous sommes très peu à nous concurrencer sur les domaines innovants, à pouvoir combiner notre savoir-faire aux exigences de certains clients. C’est un véritable marché de niche.
EW. Votre travail s’est donc complexifié ?
CB. Oui, énormément. Pour vous donner quelques exemples simples, il y a plusieurs types de LED : du ruban LED, des modules LED, chaque lettre est différente, chaque design est différent… ce qui n’existait pas auparavant quand nous travaillions avec du plexi et du néon mis à l’intérieur, les possibilités étaient moindres, finalement plus grossières et sans réelle défi d’épaisseur, d’aspect final, etc. Il est obligatoire aujourd’hui de réaliser des petits prototypes avant la réalisation finale afin d’imaginer le rendu.
Sont aussi arrivées les nouvelles machines numériques pour le découpage des lettres par exemple, le rendu est moins artisanal, beaucoup plus précis. De nouveaux scotchs double-face extrêmement performants permettent également un positionnement beaucoup plus aérien des enseignes, pour un gain de temps et de budget.
L’évolution est donc très positive. Nous faisons le même métier qu’avant, cependant plus complexe, plus précis.
EW. Vous semblez vous être parfaitement adapté aux évolutions techniques. Le marché a-t-il suivi votre enthousiasme ?
CB. J’ai la chance d’être perfectionniste et d’être reconnu pour mon savoir-faire, au-delà du traditionnel. L’arrivée de la LED, entre autres, a mis sur le marché une concurrence sans doute moins experte, moins consciencieuse… mais à prix cassés. J’en ai souffert dans les années 2008-2010, une mauvaise période durant laquelle j’ai courbé le dos en attendant que cette concurrence s’essouffle.
Je réussis à remonter la pente simplement par ma notoriété puisque je n’ai toujours pas de disponibilité pour faire le commercial.
EW. Quelles sont vos réalisations dans le domaine de l’événementiel ? Sont-elles pérennes ?
CB. Quelques exemples… Je réalise des enseignes pour triporteurs pour une opération commerciale de la bière Mort Subite, c’est une animation itinérante dans les centres commerciaux. Je réalise aussi de simples néons pour une soirée événementielle. On me demande encore de créer le tracé du plan d’une course à pieds en néon. Ce sont de petites productions, anecdotiques quand prises séparément, mais qui révèlent la diversité des projets que je mène.
Pendant plusieurs années je mets en place une grande enseigne « My Maison & Objet » pour les deux sessions annuelles du salon du même nom.
EW. L’air du temps étant au durable, ne pouvez-vous, pour les produits éphémères que vous réalisez, organiser une récupération ?
CB. Les réalisations sont destinées à être jetées à l’issue de l’opération événementielle, mais, comme il s’agit souvent d’objets plutôt attractifs, ils sont en général récupérés par les entreprises ou leurs employés à titre décoratif.
J’ai monté un stock d’enseignes que je rends possible à la location, pour le cinéma et la publicité entre autres, des décorateurs nous rendent visite parfois, c’est une manière de faire vivre durablement nos produits et cela génère un petit apport économique.
EW. Comment est structurée votre entreprise ?
CB. Nous sommes actuellement 2 personnes, cette micro-équipe est une volonté sans l’être. Nous avons été jusqu’à 5 personnes mais nous vivons beaucoup mieux à 2. Les employés qui sont partis ont en général monté leur entreprise et nous les avons aidés pour cela et je leur rétrocède parfois du travail. Je suis très attaché au fait de pouvoir parfaitement m’entendre avec mes collaborateurs et il est très compliqué aujourd’hui de trouver du personnel adéquat, un souffleur de verre confirmé en l’occurrence, car je n’ai pas la disponibilité de passer 3 ans à former un jeune à ce métier, un installateur d’enseignes aussi…
EW. Quelle est la répartition de votre d’activités ?
CB. 50% de mon chiffre d’affaires se réalise dans les enseignes classiques, 18% dans les architectures lumineuses et 32% dans l’événementiel.
EW. Pour conclure, quelles sont les satisfactions dans votre métier ?
CB. Au-delà des apports technologiques en évolution, comme la LED dont nous avons parlé, j’ai une particulière sensibilité pour les relations humaines. Mes contacts avec les designers et autres commanditaires me font évoluer dans mon métier, ils bousculent mes habitudes, j’adore. Je suis aussi un apprenti permanent !
Propos recueillis par Eric Watiez pour la Gazette des Salons
Accéder au site web de Gulliverre