Les habitués de la manifestation Pari Fermier à Rambouillet (78), marché de producteurs fermiers qui a lieu chaque année pendant le week-end du 8 mai, ont été surpris. Lors de la dernière édition, des panneaux les informaient de la tenue d’un « petit marché paysan » à 2km de là.
Nous avons rencontré Claude Vassail, productrice de canard gras, qui a décidé d’y retrouver ses clients en marge de la manifestation historique. Une première contre 15 ans d’existence. Dissidence ? Complémentarité ? Elle nous explique les raisons, objectifs, conclusions et perspectives de cette nouvelle manifestation.
Claude Vassail, pouvez-vous vous présenter ? Qu’est-ce qu’un producteur fermier ?
CV. Je suis éleveuse de canards dans les Pyrénées-Orientales. Avec ma fille Eve, et malgré le décès brutal de mon mari il y a 3 ans, nous perpétuons notre activité de productrices fermières qui nous permet une qualité de vie en accord avec notre souci d’indépendance et la volonté de produire bon, propre et juste. Nous transformons intégralement nous-mêmes nos canards en produits fermiers (foie gras, pâtés, confits, etc.) et surtout, nous maintenons un lien direct avec ceux qui vont prendre du plaisir à déguster nos différentes préparations gourmandes.
Nous sommes ainsi présentes sur les marchés locaux de notre département, nous avons une boutique à la ferme, nous collaborons à un magasin collectif près de Perpignan, enfin nous exposons nos produits sur quelques salons quand ceux-ci s’articulent exclusivement autour du concept de la production fermière et qu’ils sont gérés en réel partenariat avec les producteurs ou par les producteurs eux-mêmes.
Quels sont vos rapports avec Pari Fermier et qu’est-ce qui vous a incitée à vous présenter aux mêmes dates et quasiment au même lieu ?
CV. Pari Fermier est une super association qui a été créée il y a plus de 20 ans pour promouvoir la production fermière auprès du public et des professionnels de l’alimentation et de la restauration. En tant que membre fondateur, puis vice-présidente, j’ai collaboré activement au montage du projet qui a consisté, à l’époque, en l’organisation d’un salon parisien, à l’espace Austerlitz avec les associations agricoles Civam* puis à l’espace Champerret. J’y étais exposante de la première heure. Pari Fermier s’est considérablement développé puisqu’aujourd’hui une quinzaine de manifestations sont organisées, salons couverts et marchés de plein air. Rambouillet fait partie du catalogue depuis 2000.
Pour des choix de commercialisation de proximité dans mon département, de rentabilité économique, mais aussi d’image agricole pour mes clients et moi-même, j’ai été amenée à recentrer mes participations parisiennes sur les 2 sessions de Pari Fermier à Rambouillet, en mai et en novembre. Cette manifestation demeurait à la fois un grand rendez-vous public pour toutes nos fermes avec une clientèle très fidèle, et un grand moment de rencontres avec la centaine de producteurs fermiers qui y sont exposants.
Vous avez décidé néanmoins de ne pas vous y présenter cette fois-ci. Que s’est-il passé ?
CV. Je ne l’ai pas décidé, j’y ai été contrainte ! A la suite de désaccords avec la présidence de l’association, notamment sur des décisions d’organisation interne sans suffisamment de concertation, à mon sens, à l’encontre de l’esprit très associatif que nous avions mis en place au démarrage de l’association, j’ai été mise au ban de Pari Fermier à Rambouillet auquel je participais depuis l’origine, sous divers prétextes. Nous avons été plusieurs dans ce cas pour d’autres produits.
Comment avez-vous réagi ?
CV. J’ai cherché des idées auprès de mes clients et amis. Soit j’abandonnais l’idée de monter présenter mes produits à mes plus fidèles clients parisiens avec lesquels, au long des années, j’ai entretenu des rapports amicaux, et je m’extrayais définitivement de l’idée Pari Fermier, soit je trouvais une solution pour que mes clients puissent continuer à me retrouver.
Avec Hugues et Marie-France Lataste, producteurs de fromages de chèvre et de vache dans les Landes, refusés pour les mêmes raisons, nous sommes entrés en contact avec Jean-Baptiste Galloo, ancien chef d’exploitation de la Bergerie nationale, et aujourd’hui exploitant de la ferme des 4 étoiles sur la commune d’Auffargis, à 2 km de Rambouillet. Ce dernier nous a très amicalement reçus et permis de d’installer nos stands avec nos produits dans la cour de sa ferme.
Notre demande rencontrait son propre désir d’ouvrir davantage sa ferme à une clientèle locale et à d’autres producteurs. Jean-Baptiste, spécialiste bovin, en a profité pour honorer ses commandes ce week-end là, et d’autres producteurs locaux se sont joints à nous. J’ai également apporté avec moi d’autres produits fermiers du Languedoc-Roussillon, ma région.
Il n’était nullement question pour nous de concurrencer Pari Fermier qui demeure une excellente association. Nous étions en quelque sorte la partie « off », simultanée, plus petite et plus simple que le Pari Fermier habituel.
Ma présence à Rambouillet ce week-end là avait aussi l’avantage de me permettre d’assister à l’Assemblée Générale annuelle de Pari Fermier, et ainsi de formuler moi-même à l’ensemble des adhérents, et avec l’aide d’autres producteurs amis, nos désaccords, ainsi que notre demande de réintégration parmi les exposants des manifestations suivantes à la Bergerie nationale, ce qui est la voie participative normale dans l’esprit associatif.
Qu’avez-vous retiré de cette participation inédite à la ferme des 4 étoiles ?
CV. Nous avons pu, les Lataste et moi, communiquer auprès de nos clients comme à notre habitude, mais en leur expliquant en amont les raisons de notre mésaventure.
Nous avons été littéralement bluffés par leur mobilisation et leur soutien, malgré une météo peu favorable.
L’ambiance a été la même que nos accueils à notre ferme du Mas Cané, avec une magnifique entente du petit noyau de producteurs présents et avec nos clients auxquels nous pouvions apporter attention, espace et temps. Ils ont été très sensibles à notre disponibilité… et aux déjeuners fermiers que nous leur proposions.
Economiquement parlant, nous avons dépassé nos objectifs et nous sommes arrivés à des résultats supérieurs à nos participations à la Bergerie Nationale ; mais surtout, cela a conforté notre travail de clientèle depuis 20 ans, travail fait de convivialité, d’écoute, de reconnaissance des personnes… et d’un enthousiasme permanent pour nos choix de vie et de travail, malgré les difficultés permanentes que nous devons affronter. C’est la vraie leçon à tirer de cette opération.
Ce défi que nous nous sommes lancé, Jean-Baptiste, Hugues et moi, a donc été couronné d’un très joli succès.
Quelles sont vos conclusions ? Reviendrez-vous à la Bergerie nationale ? Développerez-vous ce marché à la ferme ?
CV. C’est un peu trop tôt pour le dire. Je désire bien sûr retrouver mes collègues à la Bergerie nationale et l’association que j’ai participé à créer, nous avons mûri le projet Pari Fermier depuis tant d’années ! Pari Fermier à Rambouillet est une excellente manifestation bien rôdée et qui doit retrouver son enthousiasme, du temps pour sa clientèle et de la considération pour ses adhérents producteurs.
La ferme des 4 étoiles est un magnifique projet également, avec un noyau de producteurs locaux ou de province qui souhaiteraient poursuivre un « off » du Pari fermier.
Comme a conclu Jean-Baptiste Galloo, « même si j’espère que vous retrouverez votre groupe d’origine, vous serez toujours les bienvenus ».
Pour retrouver Claude Vassail : Mas Cané 66400 Oms – 04 68 39 49 76
Pour toutes informations sur les salons Pari Fermier.