Corinne Moreau dirige Promosalons, le réseau dédié à la promotion internationale des salons professionnels français. Composé de 52 bureaux dans le monde et d’équipes biculturelles, cet organisme unique accompagne les organisateurs de salons dans leur stratégie de conquête et de fidélisation des visiteurs et exposants internationaux. A ce titre, Corinne Moreau possède une vision élargie bien au-delà de l’hexagone avec une légitimité particulière pour évaluer l’impact de la crise sanitaire, et évoquer les solutions permettant aux grands salons français internationaux de rebondir.
Corinne Moreau, quel impact a eu la crise sanitaire pour les salons français à vocation internationale ?
Corinne Moreau : Oui, incontestablement, nous avons perdu des visiteurs sur les salons BTB internationaux qui sont les plus impactés. Ceci est facilement explicable par le déficit de visiteurs asiatiques, entre autres, dans l’impossibilité de se déplacer. Tout le monde a dû trouver des alternatives, en grandes parties digitales pendant la crise, et le rapport au présentiel s’est modifié. Même sur le territoire national, nous savons qu’il est parfois difficile de mobiliser les professionnels de régions. Mais nous notons avec satisfaction que depuis la reprise, la plupart des exposants et des visiteurs ont plébiscité le retour au salon.
Nous avons échappé à une situation catastrophique, et en tenant compte de certains enseignements sur le moyen terme, nos salons devraient retrouver l’activité d’avant crise, voire marquer des points dans la concurrence internationale.
Quels enseignements vous a apporté cette période pour repartir plus forts ?
Certains signaux d’avant crise se sont amplifiés. Ce que l’on constate, finalement c’est la difficulté croissante à convaincre les exposants et surtout les visiteurs à se déplacer. On ne peut plus faire la promotion d’un salon comme il y a 10 ans, simplement en prétendant être le meilleur. Il faut vraiment argumenter, faire du sur-mesure. Cela sous entend de bien connaitre les clients, leurs écosystèmes, leurs objectifs et contraintes. Il faut les écouter et bien connaitre leurs attentes pour mesurer le bénéfice réel du client afin de le convaincre.
Avant de tirer des enseignements définitifs, cette période nous impose surtout un certain nombre de questions que nous devons nous poser si nous voulons convaincre de venir sur nos salons :
Tout d’abord, la question la plus basique : Avons-nous bien le bon interlocuteur ? Dans la valse permanente des responsabilités, accélérée par la crise, il est essentiel d’avoir des contacts à jour…
Ensuite, nous devons tenir compte des mesures sanitaires propres à chaque partie du monde. De celles de la France, bien sûr, qui comptent parmi les plus favorables, mais surtout de celles imposées par les différents pays, souvent plus restrictives que les nôtres. Par exemple un chinois qui viendrait à Paris devra rester 4 semaines en quarantaine une fois de retour chez lui. Un coréen 2 semaines. Egalement au rayon des impossibilités, le problème des visas n’est pas souvent évoqué, pourtant il impacte fortement certains salons dont beaucoup de visiteurs viennent du Maghreb.
Parmi les sujets qui montent en puissance, figurent la RSE et l’impact carbone des événements. Cela nous interroge directement sur notre capacité à répondre à ces enjeux. C’est une notion énormément prise en compte par nos publics, en particulier sur les pays nordiques qui étaient précurseurs dans ce domaine. En termes de réponses, il faut faire la démonstration objective à notre interlocuteur que le salon lui permet d’organiser et optimiser son business dans une même unité de lieu, et qu’au final il réduit son impact carbone par rapport à des déplacements multiples auprès de ses clients.
Les comportements changent avec la numérisation des méthodes de travail, l’impression de pouvoir accomplir un grand nombre de taches sans se rencontrer. Comment répondre à ce phénomène ?
Il est vrai que le numérique, bien intégré, peut être une aide à contourner l’impossibilité de se déplacer. Confrontés à cette nouvelle donne, beaucoup s’interrogent : « est-ce que mon déplacement physique est indispensable » ? Notre rôle est alors de démontrer tout ce qui n’est pas faisable autrement qu’en se rendant sur un salon.
En revanche, certaines bonnes pratiques issues du digital peuvent être mises à profit sur les salons ou congrès en présentiel : La multiplication des réunions en visioconférence a obligé tout le monde à rationaliser ses interventions, à respecter un ordre du jour et des durées d’interventions. Cette même rigueur doit s’appliquer aux interventions en présentiel, afin de ne pas « perdre » l’auditoire.
Nous devons écouter nos exposants et visiteurs, nous inspirer de leurs nouvelles pratiques pour mieux ajuster nos stratégies, pour anticiper. Les salons doivent désormais apporter autre chose, du contenu différenciant, du service, de l’accueil, de la fluidité dans les déplacements et les échanges. Tout doit être parfaitement huilé ! Comme me disait récemment la Directrice de mon bureau en Italie, c’est la condition pour reconstruire, à partir de nouveau matériaux, cet après covid.
Article publié dans le Guide des Salons de novembre 2021