Hubert Dupuy, 49 ans, est entré par hasard dans l’événementiel comme c’est le cas de la majorité des experts de sa génération. Depuis 10 ans, iI propose des formations répondant aux problématiques des professionnels en place et, en concertation avec les acteurs du métier et leurs besoins exprimés, il forme aujourd’hui in-situ la nouvelle génération d’event managers.
Eric Watiez : Bonjour Hubert, vous êtes donc entré dans le monde de l’événementiel sans le savoir ?
Hubert Dupuy : Bonjour Eric, c’est le théâtre qui, sans que je le sache à l’époque, m’a éveillé à l’événementiel. Jeune, je faisais partie d’une troupe en banlieue parisienne. L’attrait de cette activité est que l’on doit être prêt pour le jour J et la montée en scène. Dans cette troupe, nous devions nous occuper d’à peu près tout, le son, la lumière, la billetterie, la mise en scène, la recherche de partenariats, la communication. Nous avons quelques moyens à cette époque, ce qui nous permet de vivre notre passion sans trop de soucis. Vous voyez quelques rapports avec la suite. Mais je me rends vite compte que je ne suis pas le meilleur comédien de ma génération et je me mets en quête de boulots assez variés, plutôt dans le commercial.
EW. Quelle entreprise vous met réellement le pied à l’étrier ?
HD. En 1995, je me fais embaucher au groupe La Poste, en pleine évolution, dans une direction commerciale à Paris-Est. Que vend-on à la Poste ? des dispositifs courriers, dispositifs colis, de la logistique… mais aussi du conseil financier. Je deviens animateur des ventes, poste dans lequel on me confie l’encadrement de conseillers financiers. Le profit n’est plus tabou, il est même nécessaire pour faire vivre d’autres structures déficitaires. C’est une très belle expérience. La Poste est partenaire de la Coupe du Monde de Football de 1998, je suis le référent pour faire appliquer le partenariat à tous les niveaux. Je sens que le virus événementiel me chatouille à nouveau et, à l’issue de l’événement, je rejoins un ami de ma troupe de théâtre, Xavier Lelevé pour assurer le développement commercial de l’agence événementielle qu’il a créée avec Sadia Jammy. C’est l’agence « Comme Evénements », qui deviendra K-Event par la suite.
EW. Vous voilà donc dans le grand bain événementiel chez « Comme Evénements ». Qu’y développez-vous ? Qu’y apprenez-vous ?
HD. Mon métier est de positionner l’agence pour qu’elle soit consultée dans le cadre d’appels d’offres, de travailler les recommandations et les concepts jusqu’à la réalisation finale de l’événement. J’apprend tous les rouages classiques des événements professionnels sur des budgets et des ampleurs très divers. Je me souviens encore des 20 ans d’Arianespace que nous avions organisés au Palais de Chaillot au-dessus des bassins du Trocadéro. Je reste à l’agence 4 années jusqu’à ce que l’opportunité d’intégrer le comité d’organisation des Mondiaux d’Athlétisme se présente à moi. Ces championnats ont lieu à Paris en août 2003 et sont reconnus pour avoir été un très grand succès sportif et organisationnel. Je suis ravi d’y avoir collaboré durant 15 mois. Mission par définition éphémère, et n’étant pas mobile familialement pour suivre d’autres organisations sportives à l’étranger, je rejoins ensuite une nouvelle agence d’événements.
EW. Quelle est-elle ? Le travail au sein d’une agence événementielle a-t-il évolué depuis vos débuts à « Comme Evénements » ?
HD. Il s’agit de l’agence Barroco, co-fondée par Marie Lioret et Olivier Mothes. J’y suis directeur du développement jusqu’en 2007, j’en deviens associé. Je constate l’emprise nouvelle, économie oblige, des directions achats des annonceurs sur les opérations, leur implication plus pointue sur les budgets, leur demande de compréhension des coûts… Un 3ème niveau s’installe dans la relation entre l’agence et le commanditaire. L’événementiel étant souvent considéré comme une zone de coût et non d’apport, les services financiers n’étant pas experts ni formés à la communication, nous devons leur expliquer la réalité des coûts, des intermédiaires, etc. Cela complique les choses, en temps et en énergie. Cela démontre également le besoin de formations spécifiques au sein des entreprises. Olivier Mothes commence d’ailleurs à s’y atteler. J’étoffe mon carnet d’adresses.
EW. Comment cette évolution de comportements vous conduit-elle à vous impliquer davantage dans la formation événementielle pour créer l’Institut de l’Evénement ?
HD. Au sein d’une agence, je constate que la mission de formation ne peut être qu’anecdotique, il s’agit d’une véritable entreprise à mener, dans ces temps où l’événementiel est en train de prendre virage. Je consulte, notamment l’ANAé, l’Association Nationale des Agences Evénementielles, devenue depuis LEVENEMENT. Cette dernière me suit dans la création de l’Institut de l’Evénement, en 2008, organisme de formation exclusivement dédié aux problématiques événementielles et à destination des collaborateurs d’agences ou des annonceurs. Je monte un catalogue de formations autant techniques (vidéo, lumière et son, sécurité, scénographie, process de production et logistique…) que stratégiques ou de communication (éco-responsabilité, maîtrise des réseaux sociaux, conception de projets…). Je m’entoure d’une trentaine d’intervenants. Depuis 10 ans, plus de 3.000 personnes ont suivi une ou plusieurs de ces formations.
EW. Cela semble ne pas vous suffire, vous avez mis en place cette année une nouvelle école destinée, elle, à l’apprentissage des jeunes aux métiers de l’événementiel…
HD. Autrefois, et encore maintenant, les métiers de l’événementiel s’apprenaient sur le tas chez l’employeur (organisateur, site, agence, annonceur). De plus en plus, les entreprises liées à l’événementiel recrutent des jeunes en souhaitant qu’ils soient immédiatement opérationnels. Je saisis cette évolution et constate que très peu de structures éducationnelles proposent des modules complets liés à l’événementiel. Autrefois niche peu connue, le métier s’est extraordinairement professionnalisé, la filière attire les nouvelles générations. Je réunis les associations LÉVÉNEMENT et UNIMEV ainsi que des acteurs annonceurs, sites, organisateurs ou agences pour valider la pertinence d’une formation spécifique des jeunes sur la filière événementielle. Je modifie ma structure juridique en SAS, mes interlocuteurs deviennent actionnaires pour la majorité d’entre eux. LéCOLE (The Event Thinking School) est créée, elle fonctionne concrètement depuis septembre 2017 avec 17 étudiants.
EW. Quelles sont les spécificités éducatives de léCOLE ?
DP. C’est avant tout une école nomade. L’important est dit dans la base-line, The event thinking school. L’event thinking s’inspire du design thinking, une autre façon de faire de la recherche et du développement en associant designers, commerciaux, voire consommateurs. En parallèle, il existe le design learning, qui consiste à rompre avec un schéma traditionnel de l’apprentissage théorique en privilégiant la mise en action ainsi que la confrontation à l’échec et le partage des contenus. C’est l’école nomade. Ces leviers pédagogiques sont les mêmes que ceux utilisés dans les clubs d’événements. L’esprit événementiel, le « event thinking », est vraiment ce que l’on souhaite développer chez nos étudiants, les inciter à imaginer de nouveaux formats, de nouvelles solutions de prod, de trouver de nouvelles choses… Cela correspond parfaitement à la réalité actuelle de nos métiers. C’est une école « pur événements » qui ne s’adresse qu’aux étudiants désireux d’intégrer la filière événementielle.
EW. Concrètement, comment organisez-vous le processus pédagogique ?
HD. Le cursus se déroule sur 2 ans. Il coûte 6.900 € par an. De septembre à décembre, nous organisons les cours de façon nomade, accueillis chez nos partenaires, le Grand Palais, la Maison de la Mutualité, la Cité de la Mode et du Design, le Théâtre Mogador, le Palais des Congrès de Paris, le Campus Microsoft, etc. Les étudiants partent ensuite pour 6 mois sur des missions événementielles, soit en agence, soit chez un organisateur, comme le Mondial de l’Auto, soit chez des annonceurs… Je suis régulièrement en contact avec chacun et son tuteur dans l’entreprise et les retours sont excellents. Les étudiants sont vraiment confrontés aux problématiques sur le terrain. Je les récupèrerai quelques jours au printemps, nous irons notamment passer 2 jours dans les coulisses du Festival de Cannes. Un esprit de corps s’est déjà spontanément développé entre les étudiants et, même si nous n’en sommes qu’à nos débuts, je ressens une grande maturité dans notre entreprise. Celle-ci est due à notre grand travail de réflexion en amont, et surtout à l’excellence et l’enthousiasme de nos étudiants. Le processus d’admission de la promotion 2018-2019 est d’ores et déjà en place.
Propos recueillis par Eric Watiez pour la Gazette des Salons
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