Le Concours Lépine a été créé par le préfet Louis Lépine en 1901. Pourquoi donc un préfet de police à Paris s’est-il intéressé aux inventeurs et leur a-t-il offert un cadre officiel pour s’exposer ? C’est à cette époque une solution pour réglementer la concurrence commerciale, offrir aux petits fabricants de jouets et d’articles de Paris, concentrés dans le quartier du Temple, une plateforme légale face à la concurrence étrangère, notamment allemande, présentée dans les boutiques installées. Ils avaient pris l’habitude de montrer et vendre leurs productions, le plus souvent inventives, à la sauvette dans les rues fréquentées de la capitale, ce qui était interdit et considéré comme trouble à l’ordre public. Las de multiplier les rondes de police et conscient du marasme dans lequel se trouvent ces petits fabricants, le préfet organise un concours-exposition réglementé de jouets et de bibelots. Pour susciter les vocations et protéger les inventions des éventuels plagiats, il met en place un règlement donnant la possibilité de dépôt de brevet.
700 inventions et 125.000 visiteurs pour la première édition
La première exposition a lieu dans le grand hall du tribunal de commerce en novembre 1901. 370 candidats y présentent plus de 700 inventions. 125.000 personnes la visite ! Le jury, composé d’élus, d’académiciens et de scientifiques, distribue 50 médailles et un 1er prix de 7.000 Francs à l’inventeur du Trix, jeu de construction de type Mecano. Dès la fin de la 1ère édition, une association des inventeurs est constituée, qui deviendra l’AIFF (Association des Inventeurs et Fabricants Français), bientôt reconnue d’utilité publique. Elle organisera le concours. La sauce prend rapidement. C’est un succès que ne freine pas la Première Guerre mondiale. Le concours est alors présenté dans les salles du Jeu de Paume aux Tuileries, puis au Petit Palais. C’est en 1929 qu’il est accueilli par la Foire de Paris. Il l’est encore aujourd’hui.
En 1936, le concours enregistre 650.000 entrées payantes. S’extrayant des limites initiales (jeux et jouets), le concours se diversifie à tout un ensemble de domaines. Au hasard du palmarès : un réchaud portable de cuisine (1902), un moteur à 2 temps (1910), le stylo à bille (1919), une machine à écrire portative (1924), un presse-purée (1931), des verres de contact (1948), le jeu des 1000 bornes (1956), un dispositif pour enlever les bas et chaussettes sans se baisser ! (1970), une pompe à chaleur solaire (1982), une alarme antivol pour tableaux (1991), un drone de détection de produits chimiques (2007), etc. Un des prix remarquables décerné lors de la dernière session à Paris en 2018 est un drone d’intervention pour la lutte incendie. Le point commun des lauréats est la facilitation de la vie des gens, longtemps les « ménagères » et les employés, aujourd’hui plutôt dans le domaine médical ou paramédical et la sécurité, sans que cela soit exclusif.
Au fil du temps, le Concours Lépine a su faire évoluer son image de leader incontournable dans le domaine de l’innovation et a particulièrement su appréhender certaines tendances en présentant des inventions dans les domaines des énergies alternatives, des technologies médicales et des biotechnologies. « Le Concours Lépine est un tremplin, un moteur, un accélérateur, un label pour les inventions » déclare Gérard Dorey, le président de l’association depuis 1996.
Quelques lauréats récents :
- 2005 : Antoine Saucède et Matthieu Lapeyre sont les premiers mineurs, à 15 ans à être récompensés (prix du président du jury) pour une « boîte aux lettres magique »
- 2009 : mise en place d’une « Avenue des femmes » qui promeut les inventions créées par des femmes. Seules 3 femmes ont reçu la plus haute distinction depuis la création du concours.
De manière générale, la moitié des inventions présentées est primée. Compte tenu de la forte demande, toutes les inventions ne peuvent être présentées lors de la Foire de Paris, et un comité de sélection est mis en place, les critères de sélection étant l’utilité et la viabilité économique. Pour pouvoir participer, il faut avoir un titre de dépôt de propriété intellectuelle ou industrielle, et l’invention doit être matérialisée par un prototype ou une maquette. L’inventeur doit être adhérent à l’association et louer un stand.
Le Concours Lépine franchit le périphérique
Face à la demande croissante des inventeurs, et afin de toucher le plus de publics, le Concours Lépine a essaimé en régions, en Europe et au-delà. Ces manifestations permettent aux inventeurs d’accéder à un Concours Lépine de proximité (moins de frais), de rencontrer les différents acteurs du tissu industriel local et de faire connaître leur invention à une région précise. Cette politique de développement a été initialisée dans les années 70. Le Concours Lépine a ainsi établi des conventions à Cannes, Nice, Lorient, Nantes, Caen, Cherbourg, Lyon… dans le cadre de leurs foires régionales. Un Concours Lépine européen s’est tenu pendant 17 années à Strasbourg, mais, compte tenu de travaux au Parc des Expositions du Wacken, la place n’était plus suffisante pour qu’il puisse perdurer. Gérard Dorey ne ferme pas la porte à un retour d’ici quelques années.
En 2018, le Concours Lépine a été contacté par les foires de Marseille, Bordeaux, Mulhouse et Montpellier. Pour des raisons de calendrier essentiellement, l’association n’a porté son choix que sur la Foire de Montpellier qui a lieu actuellement, pour une collaboration qui pourrait bien se renouveler l’an prochain (75 inventeurs présents cette année).A l’étranger, le Concours Lépine s’est exporté 3 ans en Belgique et 2 ans à Hanovre, et a embarqué 5 fois des inventeurs à Taïwan.
La manifestation phare reste celle qui a lieu dans le cadre de la Foire Internationale de Paris à la Porte de Versailles, manifestation qui s’est bien agrandie puisqu’elle représente aujourd’hui 650 inventeurs par session. Elle remet chaque année le prix du Président de la République. Depuis 21 ans enfin, le Concours Lépine organise le concours des jeunes inventeurs et créateurs à Monts en Touraine (sud de Tours) où il se donne un rôle d’incubateur.
Gérard Dorey aime à rappeler que le Concours Lépine est le plus souvent un stimulant pour les foires dans lesquelles il se présente. « En 2015, 93% des visiteurs de la Foire de Paris déclaraient visiter le Concours Lépine et 35% ne visitaient que ce dernier. A Montpellier, le Concours Lépine est installé en bout de foire, dans un bâtiment habituellement peu fréquenté. Le public s’y presse cette année ».
Un événement qui vit avec son époque
Depuis 1924, où, en confidence, Gérard Dorey rappelle que ses prédécesseurs avaient créé un salon d’inventions à Central Park, les moyens de production et de communication de l’association ont bien changé. Elle emploie 3 à 4 salariés à temps plein, rémunère les hôtesses et agents de sécurité afférents à ses espaces, et les 18 administrateurs de l’association et les membres du bureau sont bénévoles. Elle dispose de son propre matériel de stands. Toute ancienne qu’elle soit, l’association, dont les ressources proviennent uniquement des ventes des stands aux inventeurs, ce qui nécessite gestion et négociations particulièrement serrées, s’est mise à la page et propose un site Internet complet et très réactif, un journal annuel « Invention Magazine » et communique sur facebook, twitter et instagram. Le Concours Lépine s’est ainsi adapté aux mouvements des époques tout en demeurant fidèle à ses objectifs initiaux de mise en avant et de protection des inventeurs. Longue vie à lui !
Rédaction Eric Watiez