Pascale Hermitte est Directrice du Pôle Salon Congres chez S-PASS (ex Vega), leader de la gestion d’équipements événementiels et de loisirs avec 70 sites répartis en France. Un parcours de 25 années très riches d’enseignements, oxygéné par une expérience hors norme en Afrique du Sud, elle nous confirme qu’aléas et circonstances ne sont pas antinomiques avec la cohérence d’un parcours.
Eric Watiez : Bonjour Pascale, vous avez beaucoup bougé lors de votre carrière jusqu’à être un pilier de S-Pass (ex Véga) depuis plusieurs années. Avez-vous bâti volontairement ce parcours ou est-ce le résultat de circonstances ?
Pascale Hermitte : Bonjour Eric, après mes études à Sciences Po, j’avais le désir de faire du conseil ou des ressources humaines mais les événements et les rencontres me conduisent plutôt vers la conduite de projets et vers l’événementiel, fil conducteur de ma carrière professionnelle.
Lors de chaque étape de celle-ci, je collabore le plus souvent à la genèse d’un projet. Je commence ainsi chez Unibail avec l’ouverture d’un centre commercial, je poursuis avec la mise en œuvre d’un Parc d’expo, je fais ensuite partie de l’équipe qui démarre les activités du Stade de France…
Je ne sais pas si j’étais faite pour l’événementiel, là où je suis aujourd’hui, mais il est sûr que je me réalise dans la conduite de projets. Quant à mon parcours, c’est le résultat de beaucoup de hasards, de circonstances, et de rencontres.
EW. Commençons par le commencement…
PH. En 1990, je rejoins le service marketing d’Espace Expansion, filiale d’Unibail pour la gestion de centres commerciaux, bien avant l’aventure du groupe dans l’évènementiel avec Viparis. J’y reste 4 ans dans un poste fait de missions de conseils internes ou externes dont une pour un bailleur extérieur qui construit un centre commercial près de Bordeaux. Malgré ma jeunesse, on me confie ensuite la commercialisation de ses espaces. Je remplis parfaitement cette mission et intègre le service commercial. Je m’aperçois que j’aime appliquer sur le terrain ce que j’ai préconisé, c’est déjà une attirance vers la polyvalence, tout au moins vers la complémentarité des actions.
Aujourd’hui, j’aime vraiment les sujets intermédiaires entre stratégie et exploitation, entre planification et réalité de terrain.
EW. Un bel apprentissage et pourtant vous quittez Unibail…
PH. Pour des raisons familiales, je dois déménager à Mulhouse. J’ai la chance d’arriver au moment de l’ouverture du Parc Expo de la ville, au sein d’une toute petite structure de 5 salariés, tout est à faire, les plaquettes, la conception des produits… Le côté « chantier » et cette période de lancement sont enthousiasmants. J’ai l’occasion de rencontrer des gens de tous horizons, commercial, technique, politique, … tous les intervenants sont tournés vers un objectif commun, c’est le côté passionnant d’un travail en mode projet.
Chargée d’affaires, à la fois en responsabilité de la commercialisation d’une partie de la Foire de Mulhouse, de la création d’un salon de service aux entreprises et de la recherche et de l’accueil d’événements d’entreprise afin d’occuper les salles nouvellement dédiées. C’est aussi la création des premiers concerts.
Je dois néanmoins rentrer à Paris au bout de 2 années alsaciennes.
EW. Vous avez vécu à Mulhouse, lors de vos premiers pas dans le monde de l’événement, une belle expérience humaine doublée de l’enthousiasme général lié à un nouveau projet bien concret. Avez-vous pu retrouver cette ambiance de travail à votre retour à Paris ?
PH. A mon retour en 1997, j’intègre le Stade de France qui est encore en chantier Je comprends qu’il s’agit de gérer un site global, au-delà de sa vocation sportive, avec un concept multifonctionnel nouveau en France. Au-delà de la coupe du monde de football à venir, il s’agit de faire vivre un site au quotidien, avec des événements variés et une dimension développement de l’environnement.
L’absence de club résident accroît la disponibilité de l’espace et renforce nos possibilités en matière de montage d’événements autres que sportifs.
Un des défis est la situation géographique du site, à St Denis dans le 93. Si l’activité professionnelle et les transports sont maintenant parfaitement au point, l’attractivité n’est absolument pas évidente dans les années 90 et il faut mettre en œuvre de vrais talents de motivation pour inciter productions et entreprises à y organiser leurs événements.
EW. Comment avez-vous géré ces freins ?
PH. Je retiens de ce lancement l’atmosphère réjouissante du chantier initial et le fait que, si ce n’est évidemment plus le cas aujourd’hui, le Stade de France est une start-up lorsque j’y arrive, nous sommes une trentaine d’employés seulement, installés dans des Algeco ! L’activité « visites » est lancée dès le chantier et connait un bel engouement, la notoriété s’installe aisément et de façon quasiment ludique.
Je commence à commercialiser les événements d’entreprises, en surfant sur la curiosité de mes interlocuteurs et en atténuant les craintes liées à l’endroit et à son aspect toujours en chantier.
La vraie chance du Stade de France, outre son architecture, sa proximité de Paris et sa desserte, est qu’il devient le symbole de la victoire de notre pays pour la Coupe du Monde de football en 1998, ceci gomme les appréhensions par rapport à l’environnement.
EW. Quels événements mettez-vous en place ? Surmontez-vous les aléas techniques inhérents au démarrage de l’activité ?
PH. Le premier événement que j’y organise est le lancement de la grille de TF1 en septembre 1997, la chaîne étant la propriété de Bouygues, principal maître d’œuvre du stade. Je monte ensuite plusieurs événements, durant le chantier, dans une petite salle disponible.
Je subis de nombreux aléas liés au chantier, comme l’épandage d’engrais sur la pelouse, empestant l’atmosphère, comme des coupures d’électricité inopinées ou des problèmes de signalétique… C’est compliqué mais cela fait aujourd’hui partie d’histoires formatrices en termes de diplomatie avec les clients, de réactivité face aux aléas… Cela renforce aussi l’esprit d’équipe !
Le développement de l’activité événement d’entreprises au Stade de France, que j’ai en charge, a le double objectif d’apport de chiffre d’affaires et d’animation quotidienne du site. Il s’agit de faire en sorte que ce dernier ne soit pas en activité 30 jours par an seulement mais vive aussi au quotidien, avec les visites pour le grand public, et les événements corporate pour les entreprises.
EW. Que retirez-vous finalement de votre expérience au Stade de France ?
PH. Notre côté start-up et une direction très ouverte, nous permettent d’oser, de tenter des expériences, de proposer. Nous créons beaucoup d’activités ludiques, comme une animation « but en or », des rallyes dans le stade, le décollage d’une montgolfière…
Nous bénéficions aussi de l’image et la notoriété de la marque « Stade de France » associée à la victoire de 98, qui facilitent l’entrée chez les prospects, un sésame !
Les liens avec les entreprises se développent tant sur les activités de relations publiques et les produits hospitalité, que sur l’appropriation du site par celles-ci lors d’évènements ou via l’activation de partenariats. Le modèle du Stade de France en termes de diversité d’activités et de multiplicité des publics et des produits est atypique. C’est la création d’un modèle économique nouveau en France entre organisateurs d’évènements, clients « corporate » et grand public.
EW. Que se passe-t-il ensuite ?
PH. Au bout de 8 ans dans l’équipe de direction du Stade de France, en charge des événements d’entreprises, des visites et de la communication, je quitte la structure pour un projet personnel, un départ en expatriation, en Afrique du Sud, Johannesburg en l’occurrence. Je retrouve une expérience internationale.
Je rencontre un conseiller du commerce extérieur de la France et cela me conduit à monter la première conférence internationale franco sud-africaine à ses côtés. C’est la plus belle expérience professionnelle que j’ai eue pour la qualité et la diversité des échanges. Je suis dans la maîtrise d’œuvre de bout en bout : du contenu de la conférence, thématiques et speakers, à son organisation. Je travaille sur la partie locale en termes de recherches de problématiques, de partenaires, et je suis épaulée par le Medef international pour la partie française de la rencontre.
J’ai une grande facilité à rencontrer directement les grands pontes de l’économie ou du monde politique car c’est un pays anglo-saxon, les barrières sont moins présentes qu’en France pour accèder à ces décideurs. De plus, dans ce pays à l’histoire récente violente, je découvre que les réseaux se montent de façon étonnante et que la créativité est forte.
Au moment de la conférence, je me trouve aussi chargée des relations presse de Christine Lagarde, ministre du Commerce Extérieur, qui profite de l’occasion pour passer quelques jours auprès des décideurs Sud-Africains.
EW. Cette conférence internationale est une opération ponctuelle sur laquelle vous avez travaillé depuis la réflexion jusqu’à sa réalisation, quelles satisfactions en retirez-vous ? Comment rebondissez-vous ensuite ?
PH. Ce mode projet me convient parfaitement, j’ai eu la chance de pouvoir le monter avec des partenaires de très haut niveau, Lafarge, Danone, etc., j’ai fait des rencontres extraordinaires dans un contexte international.
Je rentre en France à l’été 2008 et collabore avec Vega une première fois, dans le cadre d’une mission temporaire auprès d’Emmanuel de Lannurien, fondateur et directeur de la société.
Je quitte précocement VEGA pour un contrat de longue durée au sein du PSG / Parc des Princes qui me propose un contenu proche de mon activité au Stade de France. En revanche, le fait de travailler directement pour un club sportif modifie complètement les priorités, l’ensemble de l’activité dépendant fortement des résultats sportifs. Je ne suis pas en phase sur cette expérience et je reviens chez Vega.
EW. Dans quelles conditions s’opère ce retour chez Vega ?
PH. Nous sommes en 2011 et Vega est rachetée par Fimalac, holding spécialisée dans la finance. Je suis recrutée au siège à Paris en tant que Directrice des Opérations Grands Projets. Dans ce cadre, je réponds à plusieurs appels d’offre sur le mode des Partenariats Public Privés (ce qui inclut construction, financement et exploitation) Je travaille notamment pour les projets de grandes arenas, Dunkerque et Orléans et le vélodrome de St Quentin.
EW. En quelques mots, pouvez-vous nous dresser un bref historique de Vega ?
PH. Vega est fondée en 1998 par 2 actionnaires amis, Emmanuel de Lannurien, aujourd’hui décédé, et Arnaud de Beauregard, et devient, en une quinzaine d’années, le leader de la gestion de sites événementiels dans le cadre de Délégations de Service Public.
En 2011, Marc Ladreit de la Charrière, PDG de Fimalac commence à s’intéresser à l’événementiel et au spectacle vivant et rachète 100% des parts de Vega, gestionnaire de sites. Il complète ses acquisitions avec les sociétés de production de spectacles, Gilbert Coullier Productions en premier. C’est le début de la construction d’un groupe qui rassemble en son sein contenants et contenus.
EW. Qu’en est-il de Vega aujourd’hui ? Quelles responsabilités et quelle place y tenez-vous ?
PH. Ma responsabilité est double, l’exploitation des sites et la réponse aux appels d’offre. La société évolue et se renomme aujourd’hui S-PASS (acronyme de Spectacles Patinoires Aquatique Sport et Salons) afin de mieux intégrer la gestion des centres aquatiques et patinoires, elles aussi dans le cadre de DSP . Je dirige le pôle Salons et Congrès.
D’une société d’esprit familial il y a 6 ans, nous sommes aujourd’hui un grand groupe ambitieux qui se restructure. Cela modifie évidemment l’organisation de travail, avec des rapports humains moins prédominants. Les missions sont beaucoup plus cadrées et définies qu’auparavant, chacun se spécialise, ce qui est formidable pour le niveau d’expertise et parfois un peu frustrant lorsque qu’il faut transmettre certaines activités qu’on a soi-même mis en place. C’est la vie d’une entreprise qui grandit !
EW. Quelle est maintenant la taille de Vega – S-PASS ? Quels intérêts principaux y ressentez-vous ?
PH. Nous sommes près de 70 personnes au siège (avenue Hoche à Paris), les producteurs ne sont pas loin et, si on intègre les employés des sites que nous gérons, le groupe S-PASS représente près de 1000 personnes.
Je vois des choses très enrichissantes à prendre dans la spécialisation inhérente à notre développement et un potentiel de transversalité intéressant.
De plus en plus, les collectivités ne souhaitent plus des sites dédiés (sport ou spectacle ou événement…). Elles attendent des sites qu’ils deviennent multifonctionnels et cherchent donc des expertises dans tous les domaines, dans le savoir-faire en termes de spectacles, qui est notre ADN, mais aussi dans le corporate, la gestion des partenariats, l’accueil sportif…
EW. Une semaine type chez Vega ?
PH. J’ai 2 à 3 jours de déplacements sur les sites, notamment en ce moment pour préparer l’ouverture du centre des congrès et des expositions du Havre en fin d’année. J’ai en général une journée ou deux au siège, en contact avec la Direction Générale lors du Comité de Direction et avec les services support. En général, j’ai une « to do list » bien fournie !
J’ai en responsabilité les équipes des sites et suis très autonome au siège, où je m’appuie sur les services transversaux (juridique, et échanges entre les pôles) si besoin.
EW. Quelles sont vos perspectives et les satisfactions de votre parcours ?
PH. Pour revenir à ce que nous disions au départ de cet entretien, je suis souvent à la création de quelque chose. L’achèvement de la restructuration de Vega en S-PASS et ses 5 pôles est une création vers un nouvel élan. Ma perspective actuelle est dans cet accompagnement. A terme, je pourrais être intéressée par une dimension plus culturelle, au-delà du spectacle, c’est assez vague et non encore défini.
Pour moi, l’intérêt de Vega est d’intégrer la totalité du métier. Les sites étant de taille raisonnable, je peux combiner le lien avec le politique, le lien avec le client, la gestion du budget communication, le management des équipes, etc. et je suis en bonne position avec des équipes de 5 à 12 personnes, près de la stratégie et en décision par rapport au site considéré.
Propos recueillis par Eric Watiez pour la Gazette des Salons