Patrice Perret-Herscovici est l’un des responsables d’Infora, formateur dans les métiers de l’événementiel, directeur technique délégué, partenaire de DEKRA pour la certification des salons. Ses meilleurs souvenirs professionnels sont les ouvertures de manifestations. Autant dire que sa passion du monde des salons est permanente. Il nous explique son parcours…
Eric Watiez : Bonjour Patrice, votre carrière professionnelle est entièrement tournée vers les salons, comment cela commence-t-il ?
Patrice Perret Herscovici : .Je découvre l’existence de l’univers des salons durant mon service militaire. Je suis déjà en veille et le guide du marketing édité par la revue Stratégies devient ma bible ! À l’issue de mon service, je postule auprès des organisateurs de salons.
Michel Baudet, patron de la Sepic (composante du futur Comexposium), m’embauche très rapidement et j’intègre la direction technique de la société en charge du Salon de la Machine-Outil (devenu Industrie depuis). Nous sommes en 1987, je reste 8 ans à la Sepic.
EW. Des études de marketing, une carrière qui débute dans le technique, comment cela s’articule-t-il ?
PPH : Le poste est à la fois technique, mais, par le suivi de l’exposant depuis son inscription jusqu’à sa participation effective, il lui est également conféré une dimension commerciale. A cette époque, les prestations proposées aux exposants sont encore sommaires. Le premier salon dont j’assure la responsabilité technique a lieu en mai 88 à la Porte de Versailles, 50 000 m² nets de stands, ce n’est pas rien pour entrer dans le bain ! J’ai la chance de commencer par de très gros salons industriels : Machine-Outil, Manutention, Interchimie… Paradoxalement, alors que je suis intéressé personnellement par les voyages, je ne me suis jamais occupé du salon du Tourisme !
EW. Durant ces 8 années, comment évoluez-vous au sein de la Sepic ?
PPH : À mon arrivée, la Sepic emploie 50 salariés et organise une quinzaine de salons de 12 000 à 77 000 m² de stands. Plus qu’un développement de poste personnel, j’observe plutôt l’évolution des salons. Pierre Biovir, mon patron du moment, me fait comprendre que l’organisation de salons est surtout une affaire de polyvalence. Il faut savoir tout faire et cela me convient très bien. Je fais donc le tour de la question dans un rôle très intéressant mais assez reproductif. J’ai alors l’opportunité de créer ma première société, Forum 7, en association avec Vanessa Desmot.
EW. En 1995, le marché des salons est en pleine mutation en France, qu’apportez-vous à cet univers avec Forum 7 ?
PPH : L’objet de Forum 7 est la direction technique externalisée de salons, au service d’organisateurs n’ayant pas de service technique intégré. Pendant 6 ans, par exemple, nous réalisons le technique du salon Interop, gros salon américain sur les télécoms et les réseaux, à la Porte de Versailles. Nous intervenons également pour Reed Expositions. Notre principe alors est de ne jamais apparaître en tant que Forum 7 visà-vis du client final, mais comme un service de l’organisateur. Je continue cette activité avec Infora aujourd’hui. Je suis un vrai spécialiste du technique dans les salons, pour autant je comprends toute la mécanique des salons, ce qui me sert aujourd’hui.
Forum 7 est par ailleurs, au début des années 2000, précurseur par son investissement sur Internet. Je propose aux organisateurs la mise en ligne des dossiers techniques avec application interactive.
EW. De pur technicien, vous commencez à développer des services parallèles. Que vous apporte l’expérience Forum 7 ?
PPH : Au-delà de notre expertise dans la direction technique de salons, nous commençons à surfer sur le développement de l’Internet, toujours au service des salons. Notre projet a besoin d’importants apports financiers, ce que je n’obtiens pas. Parallèlement, le projet étant trop en avance par rapport aux besoins des organisateurs et les habitudes des exposants, je ne suis plus suivi par mes clients Comexpo (Mesucora, Equipauto et Silmo), Interop ou Tarsus par exemple, et je cesse l’activité de Forum 7. C’est malgré tout une excellente expérience humaine et professionnelle avec la création d’une société employant jusqu’à 10 personnes et avec un apprentissage d’Internet très en avance.
Anecdote révélatrice, en 1995, des interlocuteurs ne savaient pas ce que représentait mon adresse email sur ma carte de visite (à l’époque, il y avait en France moins de 300 000 adresses email existantes… la préhistoire). Je comprends également que je suis plutôt indépendant et m’exprime le mieux dans une petite structure.
EW. Que se passe-t-il après Forum 7 ?
PPH : Je mène quelques missions pendant un temps et l’idée germe en moi de faire de la formation au service de l’univers des salons. Mon entourage me conforte sur mon potentiel dans ce domaine. Début 2004, je créé Infora avec un catalogue de 25 modules de formations destinés aux organisateurs et aux parcs d’expositions.
Ces formations d’une à 2 journées sont mises à jour régulièrement et sont toujours d’actualité : gestion de plan, budget de salons, communication et commercialisation de salons, etc. Sur l’ensemble des formations, une dizaine de personnes interviennent régulièrement, de l’avocat au médecin urgentiste ou directeur de la communication… interlocuteurs pertinents selon les thèmes abordés.
EW. Quelles sont les particularités de cette activité de formation ? Qu’est-ce qui vous pousse à élargir les domaines de compétences d’Infora ?
PPH : La formation est une activité éminemment intéressante mais sans visibilité commerciale. La perspective d’activité est à 2 mois maximum, c’est la norme du métier, qui plus est aléatoire. De ce fait, j’inverse les priorités de la société.
L’activité formation, fondement d’Infora, est devenu aujourd’hui la “cerise sur le gâteau” dans l’ensemble de mes prestations. Je saisis l’opportunité de l’obligation ministérielle de certification pour tous les salons en 2006. Avec la Fédération des Salons (Unimev aujourd’hui), qui gère alors l’OJS, je mets en place une formation sur la certification et je constate qu’Infora dispose des caractéristiques et des compétences en interne pour devenir organisme certificateur, je postule et Infora est accrédité (le même jour que l’OJS). Nous sommes peu nombreux sur le marché de la certification : Expostats (ex OJS), Expocert de David Puget et Infora (qui est devenu depuis janvier 2016 partenaire de DEKRA Certification (organisme européen de certification, de contrôle et d’inspection).
EW. Gérez-vous la certification de manière différente de vos concurrents ?
PPH : La certification n’est pas réalisée comme une opération comptable, je ne demande jamais les éléments comptables. Le contrôle de premier niveau des exposants, des surfaces et des visiteurs présents se fait pendant la manifestation. Les contrôles de cohérence sont réalisés après. Je me rends donc personnellement et systématiquement sur chaque salon à certifier. Ceci simplifie la tâche de l’organisateur. J’y vois l’avantage du contact clientèle, éventuellement du conseil sur certaines problématiques, la billetterie par exemple, et un réel échange avec les organisateurs. Cela me permet aussi d’appréhender les développements des salons, leurs évolutions.
EW. En matière de certification, vous avez évoqué un partenariat récent…
PPH : Oui, je viens de signer un partenariat avec Dekra Certification, organisme réputé internationalement, expert en contrôle et certification. Dekra est connu du grand public pour les contrôles automobiles et les diagnostics immobiliers. Au niveau professionnel, il est le 3e organisme au niveau européen pour les opérations de contrôle, de conformité, d’inspection et de certification, principalement dans les secteurs du bâtiment, de l’industrie et de l’automobile.
Ce partenariat va apporter aux organisateurs une réelle valorisation de cette obligation légale et de leurs résultats : en effet, tant les exposants internationaux et français que les visiteurs connaissent naturellement DEKRA (qui compte en France plus de 80 000 clients professionnels).
EW. Grâce à vos contacts avec les organisateurs lors des certifications, proposez-vous une prestation de conseils ?
PPH : Effectivement, bien que je ne mélange pas les genres avec mes clients, je réalise aussi des audits financiers ou techniques pour le compte d’organisateurs. C’est le cas, par exemple, d’un organisateur public désirant savoir si ses dépenses d’organisation sont dans la norme, je fais alors du conseil budgétaire. Autre cas, un conseil général désire, avant de lancer une manifestation et de trouver un organisateur, se faire confirmer la pertinence de son projet, je fais de l’analyse de marché.
N’ayant pas la capacité de mettre en place un service commercial permanent, j’obtiens ces affaires essentiellement par le relationnel. La complexité des TPE comme Infora, est que le temps de la production ne permet pas celui de la commercialisation. J’ai heureusement une propension naturelle au relationnel et, comme pour mes pratiques de certification j’adopte l’adage que “pour exister il faut se faire voir”.
EW. Par quoi complétez-vous encore votre volume d’activités ?
PPH : Infora est enfin organisateur de manifestations pour son propre compte. J’organise UTAC, campus annuel pour directeurs techniques des parcs d’expo et des organisateurs. Il a lieu à Lyon en 2016 pour sa 7e édition. 2 jours, 12 conférences, déjeuners et dîners, avec une centaine de participants. Cette manifestation est née d’une rencontre avec Olivier Lépine (alors directeur général de Biarritz Tourisme et administrateur à la fédération) à l’occasion d’une formation que je réalisais pour les cadres de son organisme. L’objet d’UTAC est de faire se rencontrer les responsables techniques d’autres structures dans d’autres villes, de monter un réseau d’échanges.
L’événement a eu lieu à Biarritz les 4 premières années puis a tourné ensuite en France. Cette activité me plaît énormément, je viens d’ailleurs de créer un “jumeau” en termes de format, CONTAC, à destination des responsables marketing et communication d’événementiel. La 1re édition va se tenir conjointement avec UTAC.
EW. Quelle est la répartition entre toutes ces activités chez Infora ? Quelles sont vos perspectives ?
PPH : La certification réalise 25 % du chiffre d’affaires, UTAC 30 % et suivant les années, la direction technique déléguée 20 %. Le reste du chiffre d’affaires se répartit entre la formation et le conseil.
Il est à noter qu’en à peine 4 mois d’activité en 2016, l’activité formation est déjà supérieure à celle de l’année 2015 entière. Je travaille également sur des projets de nouvelles manifestations à créer.
Propos recueillis par Eric Watiez pour la Gazette des Salons
Cet article est extrait du Guide des Salons édité par la Gazette des Salons en juin 2016.