A l’instar des autres typologies d’événements, les salons sont désormais engagés dans une démarche de baisse de leurs émissions de CO2. Nombreux sont les postes sur lesquels il est possible d’agir. A chaque famille de métiers ses solutions alternatives pour tendre vers des manifestations plus vertueuses.
Sachant que le volet acheminement des participants peut concentrer à lui seul jusqu’à 80% de l’empreinte carbone de certains événements, la bataille pour baisser les émissions de CO2 et atteindre les objectifs définis préalablement est-elle perdue d’avance ? Loin s’en faut, et les leviers sur lesquels organisateurs, exposants et visiteurs peuvent s’appuyer pour minimiser leur impact sont nombreux. Créé à l’initiative de l’UFI (Global Association of the Exhibition Industry) l’engagement Net Zero Carbon Events 2050 donne le « LA ».
11 de ses signataires (parmi lesquels RX, Comexposium, Viparis, Galis, GL events) se réunissent ainsi trimestriellement afin de travailler sur le plan d’action de réduction des émissions CO2 à hauteur de 50% pour 2030, puis, à horizon de 2050, de compensation des 50% restants. Même si le principe de compensation ne fait pas l’unanimité dans la profession, le consensus est bel et bien là sur la question de la baisse des émissions. Il en va en effet de l’acceptabilité sociétale de l’activité événementielle à moyen terme, et de sa survie à long terme.
Quantifier pour mieux réduire
Préalable à toute démarche de réduction, l’identification des postes les plus émetteurs de gaz à effet de serre va permettre de définir un périmètre de calcul de l’empreinte carbone de son événement. Pour les salons, ce périmètre devra notamment inclure les activités en amont de la manifestation (outils de communication, installation des infrastructures, des stands, des décors, le fret du matériel, le transport des participants et parties prenantes, etc.), celles durant la tenue de l’événement, avec notamment les postes énergétiques (éclairage, chauffage, climatisation, etc.) mais aussi la restauration, la distribution de goodies et de documentation, et enfin post-salon avec tout l’aspect démontage et gestion des déchets. L’ensemble de ces flux identifiés va permettre de cartographier son événement et de collecter les données d’activité liées à son projet, data qui vont ensuite être multipliées par un facteur d’émission, puis converties en équivalent CO2. Autant d’actions qui sont désormais pilotées par les calculateurs d’empreinte carbone développés par et pour la filière événementielle, tels que CLEO carbone et Climeet. “Si je prends l’exemple d’un salon qui va se tenir sur un site Viparis, un salon organisé par Comexposium et pour lequel Galis va intervenir en fabricant des stands, il faut que l’on soit tous d’accord sur où s’arrête le périmètre de chacun afin d’éviter des trous dans la raquette ou encore des doublons.” estime Pauline Teyssedre, directrice Stratégie de Galis (lire également son interview en page 6), qui utilise le calculateur CLEO carbone. Un outil qui présente l’avantage de pouvoir uploader des modules et ainsi permettre de partager de la data dont manque cruellement la filière.
Autre élément moteur à l’évolution des pratiques, l’appropriation pour les professionnels de l’événementiel français de la norme ISO 20121 avec, à date, 114 entreprises certifiées. Et ce n’est qu’un début, d’autant qu’outre les lieux, agences et prestataires, ce sont aussi les organisateurs qui prennent le train de la certification. « Nous avons transformé notre manière de travailler afin que l’événement ait un impact positif, et nous sommes en train de travailler à la certification ISO 20121 de VivaTech, ce qui implique des changements dans notre scénographie et les différents espaces. Nous collaborons par ailleurs avec des associations pour qu’elles récupèrent des éléments de décor ou du mobilier, nous ne mettons plus de moquette, etc. Et tout ceci fonctionne très bien. » témoigne François Bitouzet, le directeur général de Viva Technology.
Des professionnels engagés dans une révolution énergétique
Gérés par des collectivités locales ou bien des opérateurs privés, les infrastructures d’accueil de salons doivent relever le défi de la modernisation et de la rénovation énergétique de leurs sites afin de se mettre en conformité avec les normes actuelles, et prendre leur part face à l’urgence climatique. Isolation des bâtiments, installation de panneaux photovoltaïques, de toits végétalisés, de géothermie, de ventilation naturelle, relamping LED, etc., les leviers à activer peuvent être multiples. Ils sont néanmoins synonymes d’investissements financiers souvent très conséquents, d’où l’importance de pouvoir s’appuyer sur les aides et subventions. Unimev (Union française des métiers de l’événement) estime ainsi à 2 milliards d’euros les investissements nécessaires à l’amélioration de la gestion énergétique et la rénovation thermique des infrastructures d’accueil sur notre territoire.
En matière énergétique, baisser son empreinte c’est aussi miser sur de nouvelles sources d’alimentation et surtout éviter au maximum l’utilisation de groupes électrogènes fonctionnant au diesel, souvent sollicités en renfort sur de gros événements. Des groupes d’appoint fonctionnant à l’hydrogène ou des biocarburants tracés se développent, ou encore des containers de stockage d’énergie ou des solutions solaires. Les baisses globales de consommation d’énergie ne concernent évidemment pas que les sites d’exposition mais bien toute la chaîne de valeurs événementielle, à l’instar des prestataires techniques qui s’équipent de matériels moins énergivores et s’organisent pour travailler en proximité pour limiter les déplacements d’équipements et de personnel.
Une production plus raisonnée
La baisse de l’empreinte carbone des salons passe également par une production limitée de nouveaux intrants. Désormais, réutiliser un stand sur plusieurs éditions d’un salon n’est plus incongru, c’est même le souhait de nombreux donneurs d’ordre qui surveillent de très près leurs externalités négatives. L’hybridation est également à l’ordre du jour, mariant l’utilisation d’anciens éléments avec des ajouts sur-mesure. Réemploi et recyclage entrent dans les usages, et les filières s’organisent via des déchetteries plus adaptées mises en place par les infrastructures d’accueil, ou encore le travail de récupération de mobilier ou de décor par des entreprises spécialisées telles que Muto event. Et les produits recyclés et recyclables, à l’instar de la moquette ou du mobilier, ne font plus figure d’exception.
Autre poste important en termes d’empreinte carbone, la restauration. A l’avant-garde en matière de certification ISO 20121, les traiteurs ont fait évoluer leurs offres et leurs process depuis plusieurs années. Exit les produits hors-saison ou venant de l’autre bout du monde, les commandes mal calibrées, et la consommation de produits carnés tente d’être limitée. Enfin les surplus alimentaires font l’objet d’une redistribution quasi systématique à des associations spécialisées.Comme on le voit, baisser l’empreinte carbone des salons participe d’un savant maillage entre différents leviers à activer. Certes, il reste des points d’achoppement tels que la création d’une filière commune de recyclage, les capacités de stockage pour favoriser le réemploi ou encore la gestion des temps de démontage pour permettre un tri sélectif efficient. C’est un immense chantier qui n’en est qu’à ses débuts, mais qui mobilise toute la filière. Tous concernés, les professionnels se sont emparés du sujet avec passion et intelligence, réfléchissant non plus en silo mais collectivement pour améliorer process et production. L’histoire ne fait que commencer, elle s’écrit le long d’un chemin qui est bel et bien tracé.
Article publié dans le numéro du Guide de Juin 2024 – Dossier «Calculer & réduire son empreinte carbone sur un salon» première partie propos recueillis par Abigail Elher