La notion de sécurité dans les salons est très large et englobe de nombreux aspects que le public ne soupçonne pas, avec parfois des confusions entre ce qui relève de la sécurité et ce qui relève de la sûreté. Pour donner une définition la plus simple possible, on peut dire que la sécurité doit prévenir contre tous les dangers involontaires (accidents, feu, inondations…) et que la sûreté doit préserver de tous les dangers volontaires (actes de malveillance, vols, attentats…). Le premier aspect a déjà été traité dans un article précédent. Découvrons dans les lignes qui suivent ce qui relève de la sûreté.
La sûreté, parlons-en !
Autant l’aspect sécurité des personnes est très normé, comme on vient de le voir, et joue sur des aspects précis comme la largeur des allées, le nombre d’issues de secours, l’équipement des personnels… la notion de sûreté est beaucoup plus variable en fonction des menaces et doit permettre d’anticiper toutes les formes délictuelles intentionnelles de danger. Les plus récentes et terribles comme les attentats, mais aussi les vols et violences « ordinaires » aussi vieux que les foires et salons.
Les attentats, et notamment ceux du 13 novembre 2015 ont eu un véritable impact sur l’organisation des événements, plus particulièrement sur les salons et congrès parisiens. La volonté de traumatiser les populations et déstabiliser le monde économique revendiquée par les auteurs des attentats a eu un impact direct sur les exposants et visiteurs internationaux, notamment ceux venus des USA, et aussi sur les familles, surtout venant de province. Depuis, l’affluence dans les salons a repris pour être aujourd’hui en croissance. En revanche, le renforcement des mesures de sûreté imposé par la vague d’attentats a indirectement permis de prévenir et réduire les actes de délinquances ordinaires comme les vols.
Directeur Exécutif Division Sites Exploitation de Viparis, Christophe Thomas est particulièrement impliqué dans la sûreté des sites parisiens dont il a la responsabilité. En insistant sur ce qui distingue la sûreté de la sécurité, il nous en définit le périmètre pour un gestionnaire de parc : « Notre rôle tient en 3 grands points principaux : D’abord assurer la sécurité des personnes sur les espaces communs, les allées et équipements des sites, ensuite harmoniser notre dispositif avec celui mis en place par chacun des organisateurs, enfin, veiller à la cohérence et l’efficacité des moyens de communication. Chacun doit avoir des responsabilités bien définies entre l’organisateur et le gestionnaire de parc, et il n’est pas question d’une quelconque ingérence ».. « Il appartient à l’organisateur de l’événement de mettre en oeuvre les moyens et mesures suffisants (notion de « moyens suffisants »), sans que ces éléments soient clairement définis par la loi. Nous sommes là pour accompagner l’organisateur dans la réussite de son événement sans se substituer à lui, l’aider, le guider, le mettre en relation avec les interlocuteurs adéquats, pour obtenir un schéma cohérent ». Toujours selon Christophe Thomas, « Viparis affiche sa volonté de ne pas ralentir les opérations sans gêner les acteurs, organisateurs et exposants. Pour autant il ne sert à rien de contrôler les sacs à l’entrée, si c’est pour laisser par ailleurs n’importe quel véhicule s’approcher des espaces ouverts au public, sans en connaitre le contenu. Les véhicules doivent être identifiés clairement. En effet, dans nos métiers il est impossible de traiter les questions de sûreté sans considérer les flux logistiques, c’est pour cela que nous avons mis en place un système de pré enregistrement : Logipass. Celui-ci nous permet d’identifier les véhicules ayant accès aux sites ».
En termes d’organisation, Viparis dispose sur chacun de ses sites, d’une équipe de sécurité réunissant des compétences tant sécurité que sûreté (le plus souvent issu du corps des sapeurs-pompiers, et également une compétence forte en termes de sureté). Un service centralisé existe (la direction sera bientôt,reprise par Jonathan Schifano), il assure la cohérence des actions et le respect des procédures entre les différents sites et valide les prises de décision. Celui-ci insiste sur « l’attention particulière qui est portée sur la cohérence d’ensemble dans les moyens de détection d’intrusion : une porte détériorée par un acte de délinquance ordinaire ou incivilité présente un risque pour d’autres types d’actes aux conséquences éventuellement beaucoup plus graves. Il est primordial d’identifier et réparer très rapidement tous les points d’accès endommagés. Nous agissons donc dans des temps très courts ».
« Le Schéma Directeur Sûreté de Viparis a logiquement pris en compte les nouvelles menaces et a été retravaillé en conséquence depuis 2016 », précise Christophe Thomas en définissant ses 3 points clés : « Premièrement, les équipements, qui ont fait l’objet d’un investissement de plusieurs millions d’euros, principalement pour la vidéo protection avec les progiciels que cela nécessite. Deuxièmement, l’humain, avec un renforcement des équipes liées à la sûreté et un déploiement des compétences nécessaires pour l’utilisation des équipements. Troisièmement, les process, puisque la coordination des moyens est décisive face aux problèmes de sûreté ». Il rappelle que « ce schéma est destiné à évoluer en fonction des innovations technologiques, mais aussi pour répondre à l’évolution des menaces ».
La menace, mais aussi les réponses existent partout en France
Les événements parisiens ne sont naturellement pas les seuls à être exposés, et le 14 juillet 2016 à Nice, au bilan si dramatique, nous rappelle que la violence aveugle peut s’abattre n’importe où, n’importe quand et sous n’importe quelle forme, pour peu que des esprits fanatisés en sentent l’opportunité. Alain Defils, Directeur de Nicexpo, organisateur de la Foire de Nice témoigne du fait que la sécurité a pris une dimension majeure dans la préparation de ses salons : « C’est à nous, organisateurs, d’élaborer et présenter le dispositif de sécurité que nous prévoyons de mettre en place, et qui doit être validé par la police nationale. La ville s’est dotée d’une cellule « sécurité événementielle » qui joue un rôle de conseil et nous accompagne utilement. Il est impensable de prendre à la légère la sûreté de nos événements et nous nous en remettons aux exigences des forces de l’ordre pour adapter notre dispositif aux nouvelles menaces, en nous dotant par exemple de gardiens supplémentaires ou en installant des brise-vue ». La confiance des visiteurs et des exposants se paye au prix fort, mais c’est la seule issue pour continuer à proposer des événements attractifs. Positif, Alain Defils apprécie que « les exposants et visiteurs aient bien accepté le renforcement des dispositifs, même contraignants, et soient rassurés par l’augmentation des contrôles ».
Dans les efforts pour prévenir les risques de toutes nature menaçant les sites événementiels et rassurer le public, il faut signaler la mise en place par l’état du label « Securi-site« . Ce label a vocation à être facilement identifiable par et témoigne de l’engagement de tous les acteurs de la sécurité à respecter la convention de site élaborée. Il est délivré par le préfet du département. Jusque-là, ce sont des sites touristiques tels que l’Aiguille du Midi, le Futuroscope ou encore Center Parc qui l’ont reçu. Le premier parc d’expositions à avoir reçu ce label en avril dernier est le parc Rochexpo, à la Roche-sur-Foron en Savoie (troisième parc en surface couverte de la région Auvergne-Rhône-Alpes). Pour justifier du label Securi-site, un diagnostic de sécurité de Rochexpo a été réalisé par la gendarmerie afin d’apporter les réponses opérationnelles, méthodologiques et techniques, réunies sous forme de convention. Ces mesures portent sur la chaîne des intervenants, les procédures de coopération entre les services (personnel du site, police municipale, gendarmerie), et la mise en oeuvre des moyens de prévention, de sûreté et d’intervention (45 caméras ont été installées). Au-delà de ce diagnostic, la convention prévoit qu’en amont de chaque événement, soit mis en oeuvre un dispositif de sécurité adapté entre acteurs de la sécurité privé pour ce qui concerne l’enceinte même du site, et les forces de l’ordre pour la sécurisation périphérique.
La sécurité événementielle, un métier et un rôle d’intégration sociale
Comme on le voit, les foires et salons s’adaptent à la menace, et la période récente, riche en événements dramatiques a provoqué un renforcement qualitatif et quantitatif des dispositifs de prévention. En revanche, une fois toutes les dispositions prises, qui les met en oeuvre sur le terrain au-delà des forces de l’ordre ?
C’est le rôle des entreprises de sécurité qui déploient leurs personnels dans le parc des expositions. Leurs missions sont multiples, mais on retiendra prioritairement :
• Le contrôle des entrées avec palpations de sécurité et contrôles des sacs,
• La sécurisation des fonds de la billetterie,
• La sûreté des stands et des installations.
D’une manière plus générale, les gardiens créent un effet dissuasif et rassurant, en se positionnant aux endroits stratégiques et en effectuant des rondes.
Nous avons demandé à Jean-Marc Peninou, de l’entreprise Stand’Up, de nous apporter son éclairage. Spécialisée dans la sécurité événementielle, Stand’Up a été créée en 2001. La société génère un CA de 7 millions d’euros, la moitié par l’événementiel sportif, l’autre moitié sur les salons. En ce qui concerne les salons, les clients sont des gestionnaires de parcs, des organisateurs indépendants ou bien des exposants, sur Paris, région parisienne, Lille, Lyon, et Saint Etienne.
Jean-Marc Peninou indique que « La sécurité dans les salons est réellement prise en compte depuis quelques années. Elle a progressé en s’inspirant notamment des dispositifs mis en place dans les stades, même si les contraintes sont différentes en termes d’équipements, de durée des manifestations ou bien de bagagerie. Le renforcement des dispositifs s’est malheureusement accéléré à cause des attentats à partir de 2015. Notre mission se décline majoritairement en trois niveaux de contrôle : le pré-filtrage, le contrôle visuel des bagages, et la palpation ».
Quand on lui demande s’il existe différents niveaux de vigilance, il précise : « Bien que le risque soit partout, le niveau de vigilance est supérieur sur des salons plus exposés comme le SIAE ou Milipol. Sans parler des salons comme le SIA qui reçoivent la visite de nombreuses personnalités politiques, nécessitant une préparation minutieuse et des rôles évolutifs en fonction du « grade » de la personnalité en question, en liaison avec les différents officiers de sécurité. Le niveau ultime étant le président de la république, avec des durées de visites pouvant varier de 40 minutes à 12 heures… ».
Revendiquant pour son entreprise un ADN « sécurité salons », Jean-Marc Peninou insiste sur l’aspect social de son métier : « Les métiers de la sécurité et de la sûreté sont de grands pourvoyeurs d’emploi : 167 800 agents sont recensés en France, et on estime dans les années à venir, à 30 000 le déficit en personnel. Problème qui deviendra notamment crucial avec les grands événements sportifs que la France va accueillir en 2023 et 2024. Ce déficit souligne l’importance du vivier d’emploi et d’intégration sociale que représente ce secteur. Un rôle qui mériterait d’être davantage mis en lumière et encouragé par les pouvoirs publics ». Cet appel, qui sera nous l’espérons entendu, illustre bien les enjeux complexes et parfois contradictoires auxquels doivent faire face les acteurs de la filière événementielle, et le poids qui pèse sur leurs épaules : Sécuriser, prévenir, rassurer, anticiper, recruter,investir, former, mais aussi financer ce qui n’a pas de prix.