Valérie Sainsimon est gérante de la société Family Promotion qui organise les salons Baby en France depuis 18 ans. Elle nous explique comment, en tant que « Baby » depuis si longtemps, elle peut encore vouloir grandir ! Réponse judicieuse : à 18 ans, c’est l’âge de la majorité, et vient maintenant l’heure des choix dans un monde où les salons, notamment grand public, subissent ou s’alimentent des mutations de l’environnement économique. Son challenge est le renouvellement du visitorat lors de chaque session.
Eric Watiez : Bonjour Valérie, vous n’avez pas toujours été « Baby », dans quelles circonstances êtes-vous entrée dans le monde des salons ?
Valérie Sainsimon : Bonjour Eric, c’est un pur hasard. Etudiante en physique chimie, je suis bien éloignée du monde des salons. Originaire de Franche-Comté, ma passion du ski que je pratique en compétition n’a pas non plus de rapport avec l’événementiel.
Après une maîtrise, je fais un break dans mes études pour enseigner en tant que monitrice de ski et alimenter mes finances. Je rencontre Bernard de Crayencour, le créateur des salons Baby, salons grand public de puériculture en Belgique. Il a le désir de développer le concept en France.
C’est comme cela que l’aventure débute pour moi, je n’étais pas du tout prédestinée au monde de l’événementiel, et pourtant cela fait maintenant 18 ans que j’y suis.
EW. Comment créez-vous votre société Family Promotion en France ?
VS. Il y a d’abord l’appui de la structure belge, en statut associatif à l’époque, puis le détachement de la structure française de la structure belge. En 2000, ce statut ne pouvant perdurer, une SARL est créée.
L’aventure Baby démarre de mon appartement d’étudiante à Besançon et lorsque nous convenons d’ouvrir un bureau en France, pour ne pas m’éloigner trop de mes montagnes, nous nous installons en région lyonnaise, où je suis toujours.
J’aurais pu tout à fait faire autre chose. A l’époque de la création de Baby en France, je ne suis pas concernée par le monde de la maternité, je sors de mes études, c’est le hasard pur.
EW. Quand devenez-vous autonome ?
VS. J’apprends tout sur le tas, j’ai le rôle de chef de projet dans la SARL. En 1999-2000, les salons Baby se propagent en Espagne, en Italie et au Portugal, on me demande de gérer les chefs de projets de ces pays, je me déplace beaucoup, puis nous nous recentrons sur la France et je rachète la société en 2010.
Avant de m’engager dans ce rachat, je tiens à me perfectionner et obtiens un master de management à l’EMLyon. Je conforte mon choix de poursuivre en solo l’aventure Baby en recevant des formations complémentaires, utiles en gestion et management, et en me confrontant à d’autres créateurs ou repreneurs d’entreprise.
EW. Quelle est, à l’origine, la stratégie des salons Baby en France ? Affrontez-vous une forte concurrence ?
VS. Avant d’attaquer le marché parisien, notre stratégie est d’organiser les salons Baby en région. En 1997, nous créons le premier salon à Lyon, et, après un petit tour de France, nous arrivons finalement à Paris en 1999.
Le salon Babial est déjà organisé à l’Espace Champerret depuis des années, mais il est sur le déclin.
La situation est un peu compliquée lorsque nous arrivons à Paris. En effet, notre partenaire presse, le magazine Parents du groupe Lagardère, leader de la presse parentale, décide de monter son propre salon à la Grande Halle de la Villette, 15 jours avant le nôtre qui se tient à la Porte de Versailles ! David contre Goliath donc ! Nous avons néanmoins un énorme succès lors de cette première édition avec plus 33.000 visiteurs sur 4 jours, alors qu’en région nous avoisinions les 10-15.000 visiteurs.
EW. Quel est le concept précis des salons Baby ? Quid du visitorat ?
VS. Ce sont des salons purement grand public. Notre cible première est la jeune femme primipare (enceinte de son premier enfant) qui découvre le monde de la maternité. Elle a besoin d’équipements et de conseils, elle y rencontrera tous les professionnels du secteur de manière à faire ses choix en matière d’équipements, de soins, de contacts associatifs, de garde d’enfant…
La durée limitée de la grossesse fait que nous ne tablons pas sur la fidélité des visiteurs et sommes astreints à renouveler notre visitorat lors de chaque édition.
EW. De ce fait, comment organisez-vous votre communication vers le public ?
VS. Nous n’avons pas d’agence de communication et traitons celle-ci en interne depuis toujours. Notre cible visiteurs a entre 25 et 35 ans, jeunes mamans ou jeunes couples. Nous sommes donc obligés de suivre en permanence les nouvelles tendances en communication.
C’est une raison pour laquelle, à la suite de mon master à l’EMLyon en 2009, nous développons un salon virtuel en ligne en complément de nos salons réels. Nous sommes alors la première société à proposer ce type d’outils en France de façon permanente. L’idée est de conserver un lien avec les visiteurs entre les périodes de salons, de continuer à fournir de l’information et de conserver une notoriété vis-à-vis de notre cible de jeunes mamans. Il n’y a pas de concurrence avec nos salons physiques, beaucoup plus complets, où le contact humain et tactile demeure essentiel. C’est un complément.
Nous avons donc de multiples casquettes, tant au niveau opérationnel et logistique, qu’en termes de marketing avec un savoir évolutif dans notre communication, pour satisfaire les jeunes couples à la pointe des nouveaux modes de consommation.
EW. Reproduisez-vous en majorité chaque session ou bien innovez-vous selon le lieu ou la saison ?
VS. Il n’y a pas vraiment de saison. Nous avons une « caravane Baby » qui est constituée d’un pôle d’une trentaine d’exposants et de partenaires communs à la plupart des éditions. Cette caravane nous accompagne de ville en ville. D’autres marques et exposants complètent l’ensemble en région, ainsi des associations régionales, des distributeurs ou artisans locaux.
Au salon Baby, on retrouve la grande marque du CAC 40 autant que la grosse PME ou encore le commerçant et l’association locale. Il s’agit de couvrir tous les aspects de la maternité, quels qu’ils soient. Nous proposons en permanence de nouveaux services tant pour les visiteurs que les exposants.
EW. Combien de sessions réalisez-vous chaque année ? Quels sont les sites les plus porteurs ?
VS. Pendant longtemps, nous avons maintenu un rythme de 8 salons chaque année. Il est cependant de plus en plus compliqué pour les marques d’aller en régions de façon très récurrente (budgets, équipes…). Nous avons ainsi réduit le nombre de salons à 6 par an à Paris, Lyon, Lille et nous complétons par deux villes de « moindre potentiel » comme Strasbourg, Toulouse, Marseille, Nantes, Rennes, …. en rotation tous les 2 ou 3 ans. En mars 2015, nous avons fêté la 130ième édition du salon baby en France.
Les salons Baby de Paris à Porte de Versailles et à Paris Event Center sont nos manifestations les plus importantes, mais chaque ville a sa propre identité.
EW. Comme dans d’autres secteurs, l’évolution de la distribution et l’apparition d’Internet ont-ils fait évoluer l’impact, le contenu et l’approche des salons Baby ?
VS. Au tout début des salons Baby, les marques participaient sans vendre sur les salons afin de ne pas gêner les réseaux de distribution très ciblés de la puériculture. Elles se sont trouvées partagées entre le respect de leurs distributeurs et l’envie d’achat des visiteuses. Nous avons alors mis un système en place qui laisse le choix aux marques, soit de vendre directement, soit indirectement en prenant un stand de démonstration à côté d’un stand revendeur qui exécute l’acte de vente.
Internet a aussi fait bouger les lignes, rendant plus nombreux et diffus les réseaux de distribution.
Les freins par rapport à la distribution sont aujourd’hui moins élevés qu’ils ne l’étaient dans les années 2000. Mais le marché de la puériculture est sans doute assez atypique dans l’économie.
EW. Arrivée à votre majorité professionnelle, avec vos 18 années de Baby, quelles sont vos perspectives ?
VS. Parallèlement aux salons baby, nous avons été missionnés pour être opérateurs de A à Z du salon Passion Bébé, salon professionnel du monde de la puériculture, créé par un réseau de magasins sur 2 éditions. Nous avons ainsi développé notre savoir-faire pour le compte de tiers : établissement du budget, recherche d’un lieu, marketing, organisation et gestion des exposants, organisation de leur plénière et leur soirée pour 300 convives….… L’organisateur facial s’est occupé de sa communication. Malheureusement, par des contraintes dues au secteur d’activité, ce salon ne peut plus s’organiser, mais cette expérience montre que nous avons le savoir-faire pour proposer nos services complets à d’autres organisations.
EW. Concernant vos propres manifestations, quelles spécificités mettez-vous en place avec votre équipe ?
VS. Comme je vous l’ai dit, nous gérons tout de bout en bout. Pour capter l’exposant, nous lui proposons un service très complet. Une grande marque peut nous demander de concevoir et monter son stand, d’organiser ses livraisons, le transport de ses marchandises, le personnel de stand d’un salon à l’autre, d’effectuer pour lui toutes sortes de commandes … Nous proposons donc un « clé en main » qui va très loin, avec l’appui de prestataires fidèles. Au-delà de la rémunération pour ces services, nous visons avant tout la facilitation d’exposition de nos clients. Nous les allégeons de la charge organisationnelle et humaine que représente la participation à un salon, et qu’ils n’ont plus.
Je suis gérante de Family Promotion mais je préfère le terme d’entrepreneuse. Notre équipe se compose de 6 personnes très compétentes et polyvalentes pour gérer cet ensemble. Chacune est autonome et responsable mais sait être complémentaire des autres en cas de besoin.
EW. D’autres projets ?
VS. Family Promotion a des projets de développement de salons grand-public comme professionnels, de conventions ou congrès, d’autres projets dans certaines villes, comme à Limoges en collaboration avec le parc des expositions.
J’ai envie de voir d’autres univers et d’appliquer mon expertise à d’autres domaines, que ce soit en événements BtoC, BtoB ou sur d’autres thématiques.
Ma passion du sport, toujours présente, me mène également sur des souhaits de développement d’événements sportifs et autour de cette thématique.
EW. Pouvez-vous nous parler de votre expérience à Paris Event Center à la Porte de la Villette où vous organisez votre salon depuis 1 an ?
VS. Nous sommes présents 2 fois par an à Paris, traditionnellement à la Porte de Versailles et au Parc Floral (depuis 2001). En 2014, le Parc Floral ne nous proposant pas de dates hors vacances scolaires, nous avons fait le choix de nous déplacer à Paris Event Center. Je connaissais l’équipe du site qui venait de la Halle Freyssinet où nous avions organisé la première édition de Passion Bébé. Le challenge du déplacement était important, dans ce lieu inconnu du public puisque nous étions la première manifestation BtoC à y être organisée.
Les exposants nous ont fait confiance et nous ont suivis, ce qui nous a confortés dans la magie relationnelle que nous avons avec eux. De plus, malgré le fait que le week-end était exceptionnellement beau en ce début d’octobre 2014, les visiteurs sont venus en nombre, autant qu’au Parc Floral. Pari gagné !
Pour moi, ce lieu, très facile d’accès et à travailler, très agréable pour sa luminosité dans le hall, est en devenir et est très intéressant comme complément aux sites existants à Paris intramuros.
EW. Pour conclure, avec cette particularité de visiteuses enceintes, avez-vous quelques anecdotes ?
VS. Effectivement 50% de nos visiteuses sont enceintes ! Malgré cela, hormis une perte des eaux, nous avons la chance jusqu’à présent de ne pas avoir eu d’accouchement sur le salon !
Propos recueillis par Eric Watiez pour la Gazette des Salons
Crédit photo portraits de V. Sainsimon : Midi Libre